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FABLES CHOISIES.

C’est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du Cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien à frire :
D’un mal il tomba dans un pire,
Et se vid réduit à la fin
A jeûner et mourir de faim.

Il en coûte à qui vous reclame,
Medecins du corps et de l’ame !
O temps ! ô mœurs ! j’ai beau crier,
Tout le monde se fait païer.




FABLE VII.
LA CHAUVE-SOURIS, LE BUISSON,
ET LE CANARD.



Le Buisson, le Canard et la Chauve-Souris
Voïant tous trois qu’en leur païs
Ils faisoient petite fortune,
Vont trafiquer au loin, et font bourse commune.
Ils avoient des Comptoirs, des Facteurs, des Agens,
Non moins soigneux qu’intelligens,
Des Registres exacts de mise et de recette.
Tout alloit bien, quand leur emplette,
En passant par certains endroits
Remplis d’écueils, et forts étroits,
Et de Trajet tres-difficile,
Alla tout embalée au fond des magasins,
Qui du Tartare sont voisins.
Nôtre Trio poussa maint regret inutile ;
Ou plûtôt il n’en poussa point.
Le plus petit Marchand est sçavant sur ce poinct ;
Pour sauver son credit il faut cacher sa perte.