Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/184

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On ne craint pas votre présence ;

Venez me consoler de celle de Tharsis.

LEUCIPPE.

Et qu’ordonnerez-vous de mes propres soucis ?

Mon rival ne peut plaire à l’objet qu’il adore,

Un sentiment jaloux ne me peut alarmer : [515]

C’est beaucoup ; mais que dis-je ? ah ! ce n’est rien encore

Vous savez bien haïr, mais pourriez-vous aimer ?

DAPHNE.

J’ai souffert votre amour ; répondez-vous vous-même.

LEUCIPPE.

Ô dieux ! qu’ai-je entendu ? quelle gloire suprême !

Quel bonheur ! Doux transports qui venez me saisir, [520]

Exprimez, s’il se peut, ma joie et mon plaisir,

Et votre juste violence.

Princesse, après l’aveu qui vient de me charmer,

Je ne sais rien, pour m’exprimer,

Que le langage du silence. [525]

DAPHNE et LEUCIPPE

Ô bienheureux soupirs, favorables moments

Où l’un et l’autre cœur, plein de doux sentiments,

Aime, et le dit, et se fait croire !

Les dieux, dans leurs ravissements,

Les dieux, au milieu de leur gloire, [530]

Sont moins dieux quelquefois que ne sont les amants.

LEUCIPPE.

Je bénis mon destin, et cependant Pénée

Favorise mon rival.

DAPHNE.

Quand il aurait pour lui le dieu même Hyménée,

Ce n’est pas son bonheur qui fera votre mal. [535]

LEUCIPPE.

Et mon bien ?

DAPHNE.