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Le cheval s’aperçut qu’il avait fait folie ;
Mais il n’était plus temps ; déjà son écurie
Était prête et toute bâtie.
Il y mourut en traînant son lien :
Sage s’il eût remis une légère offense.
Quel que soit le plaisir que cause la vengeance,
C’est l’acheter trop cher que l’acheter d’un bien
Sans qui les autres ne sont rien.


XIV

LE RENARD ET LE BUSTE

Les grands, pour la plupart, sont masques de théâtre ;
Leur apparence impose au vulgaire idolâtre.
L’âne n’en sait juger que par ce qu’il en voit :
Le renard, au contraire, à fond les examine,
Les tourne de tous sens ; et, quand il s’aperçoit
Que leur fait n’est que bonne mine,
Il leur applique un mot qu’un buste de héros
Lui fit dire fort à propos.
C’était un buste creux, et plus grand que nature.
Le renard, en louant l’effort de la sculpture :
« Belle tête, dit-il ; mais de cervelle point. »

Combien de grands seigneurs sont bustes en ce point !

XV

LE LOUP, LA CHÈVRE ET LE CHEVREAU

La bique, allant remplir sa traînante mamelle,
Et paître l’herbe nouvelle,
Ferma sa porte au loquet,
Non sans dire à son biquet :
Gardez-vous, sur votre vie,