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VII

LE SATYRE ET LE PASSANT

Au fond d’un antre sauvage
Un satyre et ses enfants
Allaient manger leur potage,
Et prendre l’écuelle aux dents.

On les eût vus sur la mousse,
Lui, sa femme, et maint petit :
Ils n’avaient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.

Pour se sauver de la pluie
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie :
Il n’était pas attendu.

Son hôte n’eut pas la peine
De le semondre[1] deux fois.
D’abord avec son haleine
Il se réchauffe les doigts :

Puis sur le mets qu’on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.
Le satyre s’en étonne :
— Notre hôte, à quoi bon ceci ?

— L’un refroidit mon potage :
L’autre réchauffe ma main.
— Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin.

Ne plaise aux dieux que je couche
Avec vous sous même toit !

  1. De l’inviter.