Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’autre m’a fait prendre la fuite.
Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat,
Qui, sous son minois hypocrite,
Contre toute ta parenté,
D’un malin vouloir est porté.
L’autre animal, tout au contraire,
Bien éloigné de nous mal faire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine.

Garde-toi, tant que tu vivras,
De juger des gens sur la mine.


VI

LE RENARD, LE SINGE ET LES ANIMAUX

Les animaux, au décès d’un lion,
En son vivant prince de la contrée,
Pour faire un roi s’assemblèrent, dit-on.
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre[1] un dragon la gardait.
Il se trouva que, sur tous essayée,
À pas un d’eux elle ne convenait :
Plusieurs avaient la tête trop menue,
Aucuns trop grosse, aucuns même cornue.
Le singe aussi fit l’épreuve en riant ;
Et, par plaisir, la tiare[2] essayant,
Il fit autour force grimaceries,
Tours de souplesse, et mille singeries,
Passa dedans ainsi qu’en un cerceau.
Aux animaux cela sembla si beau,

  1. Prison, caverne.
  2. Mot employé ici pour couronne.