Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/315

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Tout homme ment, dit le sage.
S’il n’y mettait seulement
Que les gens du bas étage,
On pourrait aucunement
Souffrir ce défaut aux hommes ;
Mais que tous, tant que nous sommes,
Nous mentions, grand et petit,
Si quelque autre l’avait dit,
Je soutiendrais le contraire.
Et même qui mentirait
Comme Ésope et comme Homère,
Un vrai menteur ne serait :
Le doux charme de maint songe
Par leur bel art inventé
Sous les habits du mensonge
Nous offre la vérité.
L’un et l’autre a fait un livre
Que je tiens digne de vivre
Sans fin, et plus, s’il se peut.
Comme eux ne ment pas qui veut :
Mais mentir comme sut faire
Un certain dépositaire,
Payé par son propre mot,
Est d’un méchant et d’un sot.
Voici le fait :
Voici le fait : Un trafiquant de Perse,
Chez son voisin, s’en allant en commerce,
Mit en dépôt un cent de fer un jour.
Mon fer ? dit-il quand il fut de retour. —
Votre fer ! il n’est plus : j’ai regret de vous dire
Qu’un rat l’a mangé tout entier.
J’en ai grondé mes gens : mais qu’y faire ? un grenier
A toujours quelque trou. Le trafiquant admire