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Proposez-vous d’avoir le lion pour ami,
Si vous voulez le laisser croître.


II

LES DIEUX VOULANT INSTRUIRE UN FILS DE JUPITER

pour monseigneur le duc du maine[1]

Jupiter eut un fils, qui, se sentant du lieu
Dont il tirait son origine,
Avait l’âme toute divine.
L’enfance n’aime rien : celle du jeune dieu
Faisait sa principale affaire
Des doux soins d’aimer et de plaire.
En lui l’amour et la raison
Devancèrent le temps, dont les ailes légères
N’amènent que trop tôt, hélas ! chaque saison.
Flore aux regards riants, aux charmantes manières,
Toucha d’abord le cœur du jeune Olympien.
Ce que la passion peut inspirer d’adresse,
Sentiments délicats et remplis de tendresse,
Pleurs, soupirs, tout en fut : bref, il n’oublia rien.
Le fils de Jupiter devait, par sa naissance,
Avoir un autre esprit, et d’autres dons des cieux,
Que les enfants des autres dieux :
Il semblait qu’il n’agît que par réminiscence,
Et qu’il eût autrefois fait le métier d’amant,
Tant il le fit parfaitement !
Jupiter cependant voulut le faire instruire.
Il assembla les dieux, et dit : J’ai su conduire,
Seul et sans compagnon, jusqu’ici l’univers ;

  1. Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, fils de Louis XIV et de madame de Montespan, né en 1670, et mort en 1736.