Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/399

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Découragés de mettre au jour des malheureux,
Et de peupler pour Rome un pays qu’elle opprime.
Quant à nos enfants déjà nés,
Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés :
Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime.
Retirez-les : ils ne nous apprendront
Que la mollesse et que le vice ;
Les Germains comme eux deviendront
Gens de rapine et d’avarice.
C’est tout ce que j’ai vu dans Rome à mon abord.
N’a-t-on point de présent à faire,
Point de pourpre à donner ; c’est en vain qu’on espère
Quelque refuge aux lois : encor leur ministère
A-t-il mille longueurs. Ce discours un peu fort
Doit commencer à vous déplaire.
Je finis. Punissez de mort
Une plainte un peu trop sincère.
À ces mots, il se couche ; et chacun étonné
Admire le grand cœur, le bon sens, l’éloquence,
Du sauvage ainsi prosterné.
On le créa patrice ; et ce fut la vengeance
Qu’on crut qu’un tel discours méritait. On choisit
D’autres préteurs ; et par écrit
Le sénat demanda ce qu’avait dit cet homme,
Pour servir de modèle aux parleurs à venir.
On ne sut pas longtemps à Rome
Cette éloquence entretenir.


VIII

LE VIEILLARD ET LES TROIS JEUNES HOMMES

Un octogénaire plantait.
Passe encor de bâtir ; mais planter à cet âge !