Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/448

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Vous l’aimez. Les Anglais pensent profondément ;
Leur esprit, en cela, suit leur tempérament ;
Creusant dans les sujets, et forts d’expériences,
Ils étendent partout l’empire des sciences.
Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour :
Vos gens, à pénétrer, l’emportent sur les autres ;
Même les chiens de leur séjour
Ont meilleur nez que n’ont les nôtres.
Vos renards sont plus fins ; je m’en vais le prouver
Par un d’eux, qui, pour se sauver,
Mit en usage un stratagème
Non encor pratiqué, des mieux imaginés.

Le scélérat, réduit en un péril extrême,
Et presque mis à bout par ces chiens au bon nez,
Passa près d’un patibulaire[1].
Là, des animaux ravissants,
Blaireaux, renards, hiboux, race encline à mal faire,
Pour l’exemple pendus, instruisaient, les passants.
Leur confrère, aux abois, entre ces morts s’arrange.
Je crois voir Annibal, qui, pressé des Romains,
Met leur chef en défaut, on leur donne le change,
Et sait, en vieux renard, s’échapper de leurs mains.
Les clefs de meute[2], parvenues
À l’endroit où pour mort le traître se pendit,
Remplirent l’air de cris : leur maître les rompit,
Rien que de leurs abois ils perçassent les nues.
Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant.
Quelque terrier, dit-il, a sauvé mon galant :
Mes chiens n’appellent point au delà des colonnes[3]

  1. Gibet.
  2. Chiens bien dressés qui dirigent les autres.
  3. Des fourches patibulaires.