Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/93

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Et cependant viens recevoir
Le baiser d’amour fraternelle.
Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais
Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle
Que celle
De cette paix ;
Et ce m’est une double joie
De la tenir de toi. Je vois deux lévriers,
Qui, je m’assure, sont courriers
Que pour ce sujet on envoie :
Ils vont vite, et seront dans un moment à nous.
Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous.
Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire :
Nous nous réjouirons du succès de l’affaire
Une autre fois. Le galant aussitôt
Tire ses grègues[1], gagne au haut,
Mal content de son stratagème.
Et notre vieux coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur ;
Car c’est double plaisir de tromper le trompeur.

XVI

LE CORBEAU VOULANT IMITER L’AIGLE

L’oiseau de Jupiter enlevant un mouton,
Un corbeau, témoin de l’affaire,
Et plus faible des reins, mais non pas moins glouton,
En voulut sur l’heure autant faire.
Il tourne à l’entour du troupeau,
Marque entre cent moutons le plus gras, le plus beau,

  1. Ses chausses.