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néanmoins que je ne le pouvais pas au Japon. On me demanda si je le pouvais à Batavia, Oui, répondis-je encore ; et l’empereur donna ordre qu’il lui fût envoyé par les premiers vaisseaux qui viendraient au Japon.

» Ce prince, qui s’était tenu jusqu’alors assez loin de nous, s’approcha vers notre droite, et s’assit derrière la jalousie, aussi près qu’il lui fut possible. Il nous fit ordonner successivement de nous tenir debout ; de marcher, de nous arrêter, de nous complimenter les uns les autres, de sauter, de faire les ivrognes, d’écorcher la langue japonaise, de lire en hollandais, de peindre, de chanter, de danser, de mettre et d’ôter nos manteaux. Nous exécutâmes chacun de ses ordres, et je joignis à ma danse une chanson amoureuse en allemand. Ce fut de cette manière, et par quantité d’autres singeries que nous eûmes la patience de divertir l’empereur et toute sa cour.

» Cependant l’ambassadeur est dispensé de cette comique représentation. L’honneur qu’il a de représenter ses maîtres le met à couvert de toutes sortes de demandes humiliantes. D’ailleurs il fit paraître assez de gravité dans son air et dans sa conduite pour faire comprendre aux Japonais que des ordres si bouffons lui plaisaient peu. Cette scène finit par un dîner qu’on servit devant chacun de nous sur de petites tables couvertes de mets à la japonaise, avec de petits bâtons d’ivoire, qui nous tinrent lieu de couteaux et de fourchettes. Ensuite deux offi-