Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soupçons qu’il devait concevoir de ce discours, il prit le parti de la dissimulation, et les Américains furent renvoyés avec des présens.

Le lendemain, en s’avançant dans le port, le premier spectacle qui frappa ses yeux fut la ruine entière de la forteresse, qui paraissait avoir été détruite par le feu ; il en fit visiter les débris : non-seulement il ne s’y trouvait aucun Espagnol, mais la terreur semblait répandue parmi les Américains, et l’on n’en découvrit pas un seul aux environs. L’amiral fit nettoyer un puits dans lequel il avait recommandé aux officiers de la garnison de jeter leur or et ce qu’ils avaient de plus précieux, s’ils étaient pressés de quelques dangers ; on n’y trouva rien. Il s’approcha des habitations les plus voisines ; elles étaient désertes. Enfin la vue d’un endroit où la terre avait été fraîchement remuée, lui fit naître l’idée d’y fouiller : on y trouva sept ou huit corps qui paraissaient enterrés depuis un mois, et que leurs habits seuls, dont ils étaient encore revêtus, firent reconnaître pour des Espagnols.

Pendant qu’on poussait les recherches et qu’on délibérait sur ces étranges conjectures, un prince de l’île, frère de Guacanagari, parut avec une suite assez nombreuse, et fit demander audience à l’amiral. Les historiens remarquent qu’il avait déjà fait quelques progrès dans la langue castillane. Il raconta qu’après le départ de l’amiral, la discorde avait