Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/340

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joug ; maïs, dans la simplicité qu’ils conservaient encore, ils demandaient sans cesse à leurs nouveaux maîtres s’ils ne retourneraient pas bientôt en Espagne : cependant, lorsqu’ils eurent perdu l’espérance d’en être délivrés par un départ volontaire, ils résolurent de s’en défaire en leur coupant les vivres, c’est-à-dire, de renoncer à la culture du maïs, et de se retirer dans les montagnes ; ils se flattaient que les productions naturelles de la terre suffiraient pour leur nourriture, pendant que les étrangers périraient de faim ou seraient forcés de quitter l’île. Guacanagari même, qu’on cessa de ménager, et qui se vit forcé aux travaux les plus humilians pour satisfaire l’avarice de ses alliés, ou pour fournir à leur subsistance, suivit l’exemple des fugitifs : cette résolution désespérée produisit en partie l’effet qu’ils en avaient attendu. Les conquérans d’Espagnola retombèrent bientôt dans le même excès de misère qui les avait déjà réduits à se nourrir de ce que la nature offre de plus dégoûtant ; mais les Américains n’en tirèrent pas d’autre fruit pour eux-mêmes que de se voir poursuivis par des ennemis affamés, qui ne leur firent aucun quartier, ou qui les forcèrent de se tenir cachés dans des cavernes, sans oser faire un pas pour chercher leur nourriture. On assure que la faim, les maladies et les armes des Castillans firent périr en peu de mois la troisième partie des habitans de l’île : Guacanagari eut le même sort ; et, pour récompense de tant de services qu’il avait rendus à l’Espa-