Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 12.djvu/57

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Quand les Koriaks doivent passer des rivières ou des montagnes qu’ils croient habitées par les esprits malfaisans, ils tuent un renne, dont ils mangent la chair ; ensuite ils en attachent la tête et les os sur un pieu, vers le séjour de ces démons. Les Koriaks errans ou fixes ont des prêtres ou magiciens qui sont médecins, et qui prétendent guérir les maladies en frappant sur des espèces de petits tambours. « Au reste, dit l’auteur russe, une chose fort surprenante, c’est qu’il n’y a aucune nation, quelque sauvage et quelque barbare qu’elle soit, chez qui les prêtres et les magiciens ne soient plus adroits, plus fins et plus rusés que le reste du peuple. »

Les magiciens ou chamans, dont on parle ici, font croire que les démons leur apparaissent, tantôt de la mer et tantôt des volcans, et que ces esprits les tourmentent dans des songes. Quelquefois ils font semblant de se percer le ventre en présence du peuple ; le sang coule à gros bouillons ; ils s’en lèchent les doigts, ensuite ils l’étanchent, et ferment la plaie avec des herbes magiques et des conjurations. Mais cette plaie n’est qu’une outre percée, et ce sang n’est que de phoque. Il faut au moins ces apparences de merveilleux pour tromper un peuple grossier, qui n’est pas imbu de ces dogmes mystérieux que les mages de l’Inde où de l’Égypte ont jadis imaginés comme un supplément à la charlatanerie ; invention dont l’effet est d’autant plus infaillible, que la raison seule peut en rompre le prestige, et que les