Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/263

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et se la firent expliquer après l’avoir écoutée avec beaucoup d’attention ; mais le soir, lorsque, étant couchés dans nos hamacs, nous nous applaudissions de leur changement, nous les entendîmes chanter plus furieusement que jamais qu’il fallait se venger de leurs ennemis, en prendre un grand nombre et les manger. » Telle est l’inconstance naturelle aux sauvages, plus encore qu’aux autres hommes.

Quoique les Brasiliens n’aient pas d’autres lois que leurs usages, dont quelques-uns blessent ouvertement les principes de justice et d’humanité, on ne laisse pas de remarquer dans cette étrange corruption quelques traces d’un meilleur ordre, qu’ils ne conservent pas moins fidèlement que leurs plus barbares pratiques. L’adultère est en horreur dans toutes ces nations ; c’est-à-dire que, malgré la liberté bien établie de prendre plusieurs femmes et de les répudier, un homme n’en doit pas connaître d’autres que celles qu’il prend à ce titre ; et les femmes doivent être fidèles à leurs maris. Avant le mariage, non-seulement les filles se livrent sans honte aux hommes libres, mais leurs parens mêmes les offrent au premier venu, et caressent beaucoup leurs amans : « de sorte qu’il n’y en a pas une, suivant la décision de Léry, qui entre vierge dans l’état du mariage. » Mais lorsqu’elles sont attachées par des promesses, seule formalité qui les lie, on cesse de les solliciter ; elles cessent elles-mêmes de prêter l’oreille aux sollicitations ; et celles qui man-