Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fait jeûner le novice avec plus de rigueur encore que les capitaines : il est exténué jusqu’à manquer de forces. Les anciens piayes s’assemblent et se renferment dans une case pour lui apprendre le principal mystère de leur art, qui consiste dans l’évocation de certaines puissances que Biet croit celles de l’enfer. Au lieu de le fouetter comme les capitaines, on le fait danser avec si peu de relâche, que, dans sa faiblesse, il tombe sans connaissance ; mais on la lui rappelle avec des ceintures et des colliers remplis de grosses fourmis noires ; ensuite, pour le familiariser avec les plus violens remèdes, on lui met dans la bouche une espèce d’entonnoir par lequel on lui fait avaler un grand vaisseau de jus de tabac. Cette étrange médecine lui cause des évacuations qui vont jusqu’au sang, et qui durent plusieurs jours : alors on le déclare piaye et revêtu de la puissance de guérir toutes sortes de maladies. Cependant, pour la conserver, il doit observer un jeûne de trois ans, qui consiste, la première année, à ne manger que du millet et de la cassave ; la seconde, à manger quelques grappes avec cette espèce de pain ; et la troisième, à se contenter d’y joindre encore quelques petits oiseaux. Mais la plus rigoureuse partie de cette abstinence est la privation des liqueurs fortes. Ils n’ont le droit de se faire appeler à la visite des malades qu’après avoir achevé ce long cours d’épreuves et de pénitence. L’évocation des puissances infernales ne mérite pas le soin que Biet a pris