Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/379

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gnes éloquentes : « Opposons au tableau de sécheresse absolue, dans une terre trop ancienne (l’Arabie), celui des vastes plaines de fange de savane noyées du nouveau continent ; nous y verrons par excès ce que l’autre n’offrait que par défaut : des fleuves d’une largeur immense, tels que l’Amazone, la Plata, l’Orénoque, roulant à grands flots leurs vagues écumantes, et se débordant en toute liberté, semblent menacer la terre d’un envahissement, et faire effort pour l’occuper tout entière. Des eaux stagnantes et répandues près et loin de leur cours couvrent le limon vaseux qu’elles ont déposé ; et ces vastes marécages, exhalant leurs vapeurs en brouillards fétides, communiqueraient à l’air l’infection de la terre, si bientôt elles ne retombaient en pluies précipitées par les orages ou dispersées par les vents ; et ces plages alternativement sèches ou noyées, où la terre et l’eau semblent se disputer des possessions illimitées, et ces broussailles de mangles, jetées sur les confins indécis de ces deux élémens, ne sont peuplées que d’animaux immondes qui pullulent dans ces repaires, cloaques de la nature, où tout retrace l’image des déjections monstrueuses de l’antique limon. Des serpens énormes tracent de larges sillons sur cette terre bourbeuse ; les crocodiles, les crapauds, les lézards et mille autres reptiles à larges pates en pétrissent la fange ; des millions d’insectes, enflés par la chaleur humide, en soulèvent la vase ; et tout ce