Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/360

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démarches, ou du moins de persuader à leurs ennemis que la crainte et la nécessité n’y ont aucune part. Un négociateur ne rabat rien de sa fierté dans le plus fâcheux état des affaires, et souvent il a l’adresse de faire croire aux vainqueurs dont il veut arrêter les succès, que leur intérêt les oblige de faire finir les hostilités. Il est intéressé lui-même à mettre en usage tout ce qu’il a d’esprit et d’éloquence ; car si ses propositions ne sont pas goûtées, il n’est pas rare qu’un coup de hache soit l’unique réponse qu’on lui fasse. Non-seulement il est obligé d’abord de se tenir sur ses gardes, mais, après s’être garanti de la première surprise, il doit compter d’être poursuivi et brûlé, s’il se laisse prendre. Ces violences sont toujours colorées de quelques prétextes, tels que ceux de vengeance et de représailles. Quantité de jésuites qui demeuraient dans les bourgades sauvages, sous la sauvegarde publique, et comme les agens ordinaires de la colonie française s’y sont vus exposés à devenir les victimes du moindre ressentiment. D’un autre côté, on ne fit pas sans admiration que des peuples qui ne font pas la guerre par intérêt, qui portent le désintéressement jusqu’à ne se charger jamais de la dépouille des vaincus, et à ne pas toucher même aux habits des morts, en un mot, qui ne prennent les armes que pour la gloire ou pour se venger de leurs ennemis, soient exercés dans le manége de la plus fine politique. Ils entretiennent, dit-on, des pen-