Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/234

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nous regardâmes les uns les autres pendant quelques minutes. J’attendais qu’Attago nous menât auprès du prince ; mais comme il ne se levait pas, nous allâmes saluer le monarque, le capitaine Furneaux et moi, et nous nous plaçâmes près de lui. Je lui offris une chemise blanche (que je mis sur son dos), quelques aunes d’étoffe rouge, une bouilloire de cuivre, une scie, deux grands clous, trois miroirs, une douzaine de médailles, et des cordons de verroterie. Sa physionomie et son maintien annonçaient toujours de la stupidité ; il semblait ne pas voir ou ignorer ce que nous faisions ; ses bras restaient immobiles et pendus à ses côtés ; il ne les éleva pas même lorsque nous lui passâmes la chemise. Je lui dis par mots et par signes que nous allions quitter l’île ; il ne daigna point me répondre sur ce sujet, non plus que sur aucun autre. Je demeurai près de lui afin d’observer ses actions. Il entra en conversation avec Attago et une vieille femme que je jugeai être sa mère. Je ne compris rien du tout à cet entretien ; mais je remarquai qu’il riait en dépit de sa gravité factice ; je l’appelle factice, parce que je n’en ai jamais vu de pareille : il ne pouvait pas suivre en cela son caractère (à moins qu’il ne fût idiot), car ces insulaires, ainsi que ceux que nous avions visités récemment, ont beaucoup de légèreté ; et d’ailleurs il était jeune. Enfin il se leva et se retira accompagné de sa mère et de deux ou trois autres personnes.