Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/283

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risquant de faire naufrage à chaque moment, ne les empêcha pas de se livrer à leur passe-temps favori : tant qu’il leur resta de l’eau-de-vie, ils firent Noël en bons chrétiens. La longue habitude de la mer leur inspire du mépris pour les périls ; la fatigue et l’inclémence du ciel, durcissant leurs muscles et leurs nerfs, rendent leur esprit insensible. On conçoit aisément que des hommes qui ne s’occupent pas même de leur sûreté s’intéressent peu au bien-être des autres : assujettis à des ordres stricts, ils exercent une autorité tyrannique sur ceux que la fortune met en leur pouvoir ; et, accoutumés à combattre l’ennemi, ils ne respirent que la guerre. Par la force de l’habitude, le meurtre est tellement devenu une passion de leur âme, que pendant notre voyage je les ai vus montrer plusieurs fois un horrible empressement de tirer sur les Indiens pour le plus léger prétexte. En général, la vie qu’ils mènent les prive des consolations domestiques, et de grossiers besoins remplacent chez eux des affections délicates. Quoique membres d’une société civilisée, on peut les regarder en quelque sorte comme un corps d’hommes grossiers, passionnés, vindicatifs ; mais d’ailleurs braves, sincères, et vrais les uns envers les autres.

» L’observation méridienne donna 66° 22′ de latitude. Nous venions donc de repasser le cercle polaire antarctique. Tant que nous étions restés sous la zone glaciale, continue Forster, nous avions à peine eu de la nuit, et je trouve