Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/130

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Ils passent le temps de l’enfance, livrés à eux-mêmes dans une oisiveté continuelle, négligés par leur famille, courant en troupes dans les champs et les marchés, comme autant de petits pourceaux qui se vautrent dans la fange, mais acquérant pour fruit de leurs premières années une agilité extrême et l’art de nager, dans lequel ils excellent. S’ils se trouvent dans un canot que le vent renverse, ils gagnent en un instant le rivage. Mêlés comme ils sont, garçons et filles, nus et sans aucun frein, ils perdent tout sentiment naturel de pudeur, d’autant plus que leurs parens ne les reprennent et ne les corrigent presque jamais. L’autorité paternelle est fort peu respectée. Les Nègres ne punissent guère leurs enfans que pour avoir battu leurs pareils ou s’être laissé battre eux-mêmes, et alors ils les traitent sans pitié. Pendant l’enfance ils sont sous le gouvernement de leur mère, jusqu’à ce qu’ils aient embrassé quelque profession, ou que leur père juge à propos les vendre pour l’esclavage.

À l’âge de dix ou douze ans, il passent sous la conduite de leur père, qui entreprend de les rendre propres à gagner leur vie. Il les élève ordinairement dans la profession qu’il exerce lui-même ; s’il est pécheur, il les accoutume à l’aider dans l’usage de ses filets ; s’il est marchand, il les forme par degrés dans l’art de vendre et d’acheter. Il tire pendant plusieurs années tout le profit de leur travail ; mais lorsqu’ils arrivent à dix-huit ans, il leur donne