Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 3.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement le fond du mystère. Les prêtres ont l’adresse d’engager les filles, par des présens ou des menaces, à pousser des cris affreux dans les rues, pour feindre ensuite que le serpent les a touchées, et qu’il leur a commandé de se rendre à l’édifice. Avant qu’on ait pu venir au secours, elles prétendent que le serpent a disparu, et, continuant de donner les mêmes marques de fureur, elles mettent leurs parens dans la nécessité d’obéir à l’ordre du fétiche. Lorsqu’elles sortent du lieu de leur retraite, elles sont menacées d’êtres brûlées vives, si elles révèlent le secret. La plupart s’en trouvent assez bien pour n’avoir aucun intérêt à le découvrir ; et celles mêmes qui auraient eu quelque sujet de mécontentement sont persuadées que les prêtres sont assez puissans pour exécuter leurs menaces.

Le même Nègre apprit à Bosman ce qui lui était arrivé avec une de ses propres femmes. Elle était jolie : s’étant laissé séduire par un prêtre, elle s’était mise à crier pendant la nuit, à faire la furieuse et à briser tout ce qui se présentait autour d’elle ; mais le Nègre, qui n’ignorait pas la cause de sa maladie, la prit par la main comme s’il eût été résolu de la mener au temple du serpent, et la conduisit au contraire à des marchands brandebourgeois qui faisaient alors leur cargaison d’esclaves sur la côte. Lorsqu’elle s’aperçut qu’il était sérieusement disposé à la vendre, sa folie l’abandonna au même instant. Elle se jeta aux