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pas à moins de cent soixante. Le roi prend beaucoup de plaisir à faire une décharge de cette artillerie chaque jour de marché. Il fait travailler actuellement à construire des affûts. Quoiqu’il paraisse fort sensé, sa passion est pour les amusemens et les bagatelles qui flattent son caprice. Si vous aviez quelque chose qui puisse lui plaire à ce titre, vous me feriez plaisir de me l’envoyer ; des estampes et des peintures lui plairaient beaucoup ; il aime à jeter les yeux dans les livres ; ordinairement il porte dans sa poche un livre latin de prières, qu’il a pris au mulâtre portugais ; et lorsqu’il est résolu de refuser quelque grâce qu’on lui demande, il parcourt attentivement ce livre, comme s’il y entendait quelque chose.

» Il trouve aussi beaucoup d’amusement à tracer des caractères au hasard sur le papier, et souvent il m’envoie l’ouvrage qu’il a fait pour imiter nos lettres ; mais il le fait accompagner d’un grand flacon d’eau-de-vie et d’un grand kabès[1] ou deux. Si vous connaissez quelque femme hors de condition, blanche ou mulâtresse, à qui l’on put persuader de venir dans ce pays, soit pour y porter la qualité de femme du roi, soit pour y exercer sa profession, cette galanterie me ferait faire un extrême progrès dans le cœur du roi, et donnerait beaucoup de poids à toutes mes promesses. Une femme qui prendrait ce parti n’aurait point à craindre d’être forcée à rien

  1. Un kabès est une somme de quatre mille bedjis.