Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/11

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foudroyant de notre canon, et leur navire se trouva si maltraité à la pointe du jour, qu’il prit pour lui-même le conseil qu’il nous avait donné de se rendre. Il avait perdu soixante-quatre hommes dans cette rude attaque. La plupart des autres, se voyant réduits à l’extrémité, se jetèrent dans la mer ; de sorte que, de quatre-vingts qu’ils étaient, il n’en échappa que cinq fort blessés, entre lesquels était leur capitaine. La force des tourmens auxquels il fut exposé aussitôt par l’ordre de nos deux commandans lui fit confesser qu’il venait de Djedda, et que l’armée turque était déjà partie de Suez, dans le dessein de prendre Aden avant de porter la guerre aux Portugais dans les Indes. Il ajouta, lorsqu’on eut redoublé les tortures, qu’il était chrétien renégat, Majorquin de naissance, fils de Paul Andrez, marchand de la même île ; et qu’étant devenu amoureux depuis quatre ans d’une belle mahométane, Grecque de nation, il avait embrassé la loi de Mahomet pour l’obtenir en mariage. Nous lui proposâmes avec douceur de quitter cette secte pour rentrer dans les engagemens de son baptême ; il répondit avec plus de brutalité que de courage qu’il voulait mourir dans la religion de sa femme. Nos capitaines, irrités de son obstination, n’écoutèrent plus que leur zèle : ils lui firent lier les pieds et les mains, et, lui ayant attaché de leurs propres mains une grosse pierre au cou, ils le précipitèrent dans la mer. Après cette exécution,