Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/211

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notre faim avec des huîtres et d’autres coquillages. Nous en prîmes notre charge pour traverser les bois qui bordaient la côte ; et dans notre marche nous eûmes recours aux cris pour éloigner les bêtes féroces. Après avoir fait quelques lieues dans un bois fort couvert, nous arrivâmes au bord d’une rivière d’eau douce, qui nous servit à satisfaire un de nos plus pressans besoins ; mais nous nous crûmes à la fin de nos maux envoyant paraître une barque plate chargée de bois de charpente. Elle était conduite par huit ou neuf Nègres, dont la figure nous effraya peu, lorsque nous eûmes considéré qu’un pays où l’on bâtissait des édifices réguliers ne pouvait être habité par des barbares. Ils s’approchèrent effectivement de la terre pour nous faire diverses questions. Cependant, après avoir paru satisfaits de nos réponses, ils nous déclarèrent que, pour être reçus à bord, il fallait commencer par leur abandonner nos épées. La nécessité nous força de les jeter dans leur barque. Alors ils nous exhortèrent à nous y rendre à la nage, parce qu’ils ne pouvaient s’avancer jusqu’à terre. Nous nous disposâmes à leur obéir. Un Portugais et deux jeunes Indiens se jetèrent dans l’eau pour saisir une corde qu’on nous avait jetée de la barque ; mais à peine eurent-ils commencé à nager, qu’ils furent dévorés par trois crocodiles, sans qu’il parût d’autres restes de leurs corps que des traces de sang dont l’eau fut teinte en divers endroits.