Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/246

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disposé pour s’éloigner de la rive avec une diligence égale au danger. Les voiles étaient tendues en forme de tente d’un côté de la chaloupe à l’autre, et tandis que nous nous empressions d’y entrer, les insulaires, nous suivant de près, percèrent de leurs zagaies plusieurs de nos gens, dont nous vîmes les intestins qui leur tombaient du corps. Nous nous défendîmes néanmoins avec nos deux haches et notre vieille épée. Le boulanger de l’équipage, qui était un grand homme plein de vigueur, s’aidait de l’épée avec succès. Nous étions amarrés par deux grapins, l’un à l’arrière et l’autre à l’avant. Je m’approchai du mât et criai au boulanger, « coupe le câbleau ; » mais il lui fut impossible de le couper. Je courus à l’arrière, et mettant le câbleau sur l’étambord, je criai, « hache » ; alors il fut coupé facilement. Nos gens de l’avant le prirent et tirèrent la chaloupe vers la mer. En vain les insulaires tentèrent de nous poursuivre dans l’eau, ils perdirent fond et furent contraints d’abandonner leur proie.

» Nous pensâmes à recueillir le reste de nos gens qui nageaient dans la rivière. Ceux qui n’avaient pas reçu de coups mortels rentrèrent à bord, et le ciel fit souffler aussitôt un vent forcé de terre, quoique jusqu’alors il eût été de mer. Il nous fut impossible de ne pas reconnaître que c’était un témoignage sensible de la protection divine. Nous mîmes toutes nos voiles, et nous allâmes jusqu’au large d’une