Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 9.djvu/261

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pêche pas qu’ils ne soient la plus vile partie de l’empire, ils possèdent l’art de se contrefaire devant le peuple par une continuelle affectation de douceur, de complaisance, d’humilité et de modestie qui trompe tout le monde au premier coup d’œil. Les Chinois, ne pénétrant point au-delà de l’apparence, les prennent pour autant de saints, surtout lorsqu’à cet extérieur imposant ils joignent des mortifications corporelles et des jeûnes rigoureux, qu’ils se lèvent plusieurs fois la nuit pour adorer Fo, et qu’ils paraissent se sacrifier au bien public. Souvent, pour augmenter leur mérite dans l’opinion du vulgaire, et toucher de compassion leurs spectateurs, ils s’imposent de rudes pénitences jusqu’au milieu des places publiques. Les uns s’attachent au cou et aux pieds de grosses chaînes de plus de trente pieds de long, qu’ils traînent avec beaucoup de fatigue au travers des rues ; et s’arrêtant à chaque porte : « Vous voyez, disent-ils aux habitans, ce qu’il nous en coûte pour expier vos péchés : ne pouvez-vous nous faire une petite aumône ? » On en rencontre d’autres qui paraissent tout sanglans des coups qu’ils se donnent avec une grosse pierre ; mais, de toutes ces austérités volontaires, il n’y en a pas de plus surprenante que celle qui est rapportée par le père Le Comte. Il rencontra au milieu d’un village un jeune bonze, doux, affable et modeste, placé debout dans une chaise de fer dont le dedans était hérissé de clous pointus qui ne lui permettaient