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DE SOCRATE


qu’ont eûë de lui tant de Saints Peres, & tant de profonds Théologiens. Car puiſque nous avons montré, que ſelon leur doctrine, les Païens vertueux ont pû ſe ſauver par une grace extraordinaire du Ciel, à qui pouvons nous préſumer qu’elle ait été plûtôt accordée, qu’à celui que toute l’Antiquité a nommé le ſage Socrate ? Ce qui me fait juger que tous les pèchés, dont on l’a voulu taxer, ne nous doivent pas détourner de l’opinion la plus humaine, & que j’eſtime la plus agréable à Dieu, parçe qu’elle eſt la plus charitable, c’eſt qu’outre ce que nous avons rapporté pour l’en décharger, tout le monde ſait que les Atheniens portèrent un deüil public de la mort, qu’ils avoient fait ſouffrir à un ſi grand perſonnage ; qu’après avoir ôté la vie à l’un de fes Accuſateurs, ils punirent l’autre d’un exil perpetuel ; & qu’honorans enſuite ſa mémoire d’une Statuë d’or, ils reparèrent par un jugement public l’injure qu’ils avoient faite à ſon innocence. Ajoutés à cela ce que lui peut avoir ſervi devant la Bonté Divine l’établiſſement parmi les hommes d’une ſi utile partie de la Philofophie, qu’eſt la Morale. Quel amour de la vertu, & quel horreur du vice n’a-t-il point donné par là à toute ſorte d’eſprits ? Et combien de crimes pouvons-nous dire qu’il a em-


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