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DE LA VERTU DES PAYENS.


miers hommes, qui pour avoir été engendrés des Dieux, ſelon qu’on parloit pour lors en Grèce, devoient bien mieux connoître leurs parents, que ne pouvoient pas faire ceux, qui étoient venus long tems après. Comme ce Philoſophe a crû, que l’entendement humain étoit beaucoup plus illuiné au commencement des ſiècles qu’il n’a été depuis, on peut présupposer la même choſ de la volonté, qui ſe portoit vraiſemblablement avec plus d’ardeur au bien, & étoit touchée de plus d’averſion pour le vice, qu’elle n’eſt aujourd’hui. Mais ce n’eſt pas à dire pourtant, qu’il n’y ait eu dans la Loi de Nature que les premiers Patriarches & leurs ſemblables de ſauvés, ſi tant eſt qu’ils fuſſent exempts de toute faute. Et il eſt bien plus croiable, vû ce que dit l’Apôtre de nôtre inclination au mal, & Salomon de la chute ordinaire des plus juſtes, qu’infinies perſonnes depuis Adam juſqu’à Abraham violèrent le droit de Nature, qui ne laiſſerent pas d’être du nombre des Elus, aiant fait d’ailleurs quantité d’actions vertueuſes, & aiant obtenu par leur repentance & par la miséricorde de Dieu, la remiſſion de leurs pechés.

On ne ſauroit même nier qu’il n’y ait eu dans cet eſpace de tems où le ſeul droit naturel avoit lieu, des Gentils, qui s’étoient sepa-