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DE LA VERTU DES PAYENS.


que nous voions ſi ſouvent dans la Sainte Ecriture, que Dieu n’a point d’égard aux perſonnes, & ne fait aucune diſtinction entre elles, dont on ſe puiſſe plaindre, n’aiant jamais dénié ſa grace, ni ſon aſſiſtance ſpeciale aux vertueux de quelque condition qu’ils fuſſent, ni manqué de récompenſer, dès le tems, dont nous parlons, les bonnes actions des hommes de toutes nations & de toutes extractions, ſans en rejeter pas un, qui ait invoqué ſa bonté, & reconnu ſa puiſſance.

Voilà ce qui eſt preſque univerſellement reçu en Théologie, touchant le ſalut de tous ceux, qui ont vécu dans le premier état de nôtre nature, avant qu’aucune Loi particuliere les eût obmligés aux céremonies qui ont été depuis, & par conſequent qu’on leur pût imputer à crime ce qui l’a été après la circonciſion d’Abraham, & dans la Loi Mosaïque, parce que, comme dit l’Apôtre[1], où il n’y a point de Loi établie, ni de préceptes donnés, on ne ſauroit accuſer personne de transgreſſion.

De l’etat de la loi.

La difficulté eſt bien plus grande à l’égard de ceux qui ont vécû dans le Gentiliſme depuis qu’Abraham, qui avoit reçû de Dieu le commandement de ſe circonſcrire à l’âge de quatre vingt dix neuf ans, avec cette déclaration

    10. Act. Ap. c. 10.

  1. Ep. ad Rom. c. 4. art. 15.