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DE LA VERTU DES PAY. II. PART.


ſi exacte & ſi exemplaire, qu’il paſſa les plus grandes ardeurs de ſon âge, ſans qu’aucun de ſes amis ni de ſes domeſtiques prit le moindre ſoupçon, qu’il l’eût endomagée ; comme depuis la perte de ſa femme il n’eût jamais de privauté avec d’autres, qu’on lui pût reprocher, ni qui eût pour but la volupté. Sa prudence nous eſt repréſentée, comme aiant précedé de beaucoup les années, qui ont accoutumé de la donner aux autres. Elle s’étendoit auſſi bien ſur les affaires de la paix, que ſur ce qui concernoit la guerre. Et par ce qu’elle étoit accompagnée d’une grande & profonde connoiſſance, elle paroiſſoit principalement au mépris, qu’il faiſoit des choſes corruptibles, aiant fort ſouvent en bouche cette belle ſentence, Qu’il n’y a rien de plus honteux à un homme d’eſprit, que de faire beaucoup de cas des avantages du corps. Pour ce qui concerne la juſtice, il l’exerçoit de ſorte, ſi nous en croions Ammien, qu’on peut dire, qu’il s’eſt toûjours fait craindre ſans avoir jamais uſé de cruauté. Ses ſupplices ne touchoient que fort peu de perſonnes, encore qu’ils en épouvantaſſent beaucoup. On ſait même, qu’il pardonna avec une extraordinaire clemence à quelques-uns de ſes ennemis, qui avoient conſpiré contre