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DE LA VERTU DES PAYENS.


gion, qu’il y avoit beaucoup plus de Chrétiens qu’on ne penſoit, puiſque Socrate & Heraclite pouvoient être nommés tels, & généralement tous ceux, qui s’étoient laiſſés conduire à cette raiſon éternelle, qui eſt ce λογοζ & ce Verbe Divin, que nous adorons en la perſonne de Jeſus Chriſt. Il appelle ſelon la même façon de parler άχείζουζ & Anti-Chrétiens tous ceux, qui laiſſent éteindre cette lumiere de raiſon, qui eſt naturelle à tous les hommes, & dont le defaut nous fait cheminer dans les ténebres du vice. Et il ajoûte qu’aſſez de perſonnes ont paſſé pour Athées

    ra extitere vurtales omnes : quæſtionem eam anticipantes ſolvenius. Chriſtum primogenitum Dei eſſe inſtituti ſumus, & Rationem atque Verbum eſſe, cujus univerſum hominum genus eſt particeps, antea oſtendimus Et quicunque cum Ratione ac Verbo vixere Chriſti_ani ſunt, quales inter Græcos fuere Socrates, Heraclitus, atque iis ſimiles : inter Barbarosæ autem Abraham & Ananias, & Atzarias, & Misaël, & Elias, & alii complures : quorum facta ſimul & nomino in præſentia recenſere, quia longum eſſe ſcimus, ſuperſedemus. Perinde atque ex veteribus qui itidem tempore Chriſtum præceſſere, & abſque Ratione ac Verbo atatem exegere, άχγυροζ, hoc eſt incommodi & inimici Chriſto fuerunt, corumque qui ſecundum Ratio-
    nem & Verbum vixerunt, atque etiam nunc vivunt, Chriſtiani, & extra metum atque perturbationem omnem sunt. Certes, encore qu’on puisse dètourner le ſens de toute ſorte d’Auteurs, quand on en a le deſſein, ſi eſt il impoſſible de douter là-deſſus que Iuſtin Mart(yr n’euſt tres-bonne opinion du ſalut de Socrate & de ſes ſsemblables. Se ſeroit-il diſpensé, s’il les eût tenus pour des damnés, de tirer des paralleles entre eux & Abraham, & Ananie, avec ces autres dont la memoire nous eſt en ſi grande veneration ? Et pourquoi nommer Chreſtiens des hommes qu’il eût eſtimé être dans les peines éternelles ? Quel avantage en revenoit-il au Chriſtianiſme ?