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Page:La Muse Française, t. 1, éd. Marsan, 1907.djvu/149

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nos jours, je le demande, est-ce un moyen bien sûr de retrouver de la bienveillance au retour que d’aller 285visiter un pays au moment même où les premières secousses d’une effroyable révolution s’y font sentir ? On a quitté son pays croyant fuir un moment les haines et les dissensions civiles ; mais, hélas ! dans quelle partie du globe ne retrouve-t-on pas aujourd’hui le fatal génie des révolutions ? Partout l’éruption du noir volcan étend ses terribles effets ; la terre entière en est ébranlée. Se dérobant aux scènes sanglantes qui l’ont assailli sur la terre étrangère, et sont venues lui rappeler les maux récens de sa patrie, le voyageur revient mécontent des hommes et de lui-même. À son arrivée, tous ses concitoyens s’empressent de le regarder au visage ; on l’observe, on le questionne ; et suivant que son langage et l’expression de ses traits sont plus ou moins favorables aux passions et aux préjugés de chacun, on ne balance pas à lui vouer sa haine ou son aveugle prédilection. La seule manière de voyager en paix en ce monde, c’est de traverser la vie obscurément. Peintre habile, écrivain distingué, placé par sa naissance dans les premiers rangs de la société, M. le comte de Forbin a toutes les qualités qui privent de cette heureuse obscurité. Si l’ouvrage qu’il livre aujourd’hui au public n’ajoute pas à sa réputation, sa réputation du moins sera utile à son ouvrage ; c’est un grand avantage que d’avoir un nom qui protège. Tout le monde voudra lire les Souvenirs en Sicile, certain à l’avance d’y trouver de belles pages et des descriptions bien faites, dignes de rappeler le beau talent du peintre. En effet, quoiqu’on sente un peu trop la grande rapidité avec laquelle le voyage et sa relation ont été l’un et l’autre