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LA MUSE FRANÇAISE.

bonne heure ; cependant j’avais une voiture légère, un bon cheval, un temps à souhait, et pas plus de 5 dix-huit lieues à faire. Mais j’avais réglé d’avance que j’irais, le premier jour, dîner à Zoffingue petite ville située à une demi-lieue de ma route, et que je m’y arrêterais trois à quatre heures.

Pourquoi ce détour ? me direz-vous sans doute ; pourquoi cette longue station ? c’est ce dont je dois vous rendre compte, d’après le plan de ces lettres et le but que je me propose en les écrivant.

J’ai hésité toutefois, je vous l’avoue, à suspendre mon itinéraire, pour entrer dans les minutieux détails 15 d’une anecdote vieille de dix ans, et qui m’est toute personnelle ; mais je cède à la douce confiance que ces détails, dépourvus d’intérêt pour des indifférens, ne le seront pas pour une amie, et que la bonne parente qui, partageant constamment mes peines, ne se montre jamais fatiguée des monotones accens de ma plainte, écoutera sans ennui le récit d’un de ces jours fortunés qui, de loin en loin, ont interrompu pour moi la chaîne pesante des mauvais jours.

    • Vous avez ouï conter combien de maladies ont

désolé mon enfance ; plusieurs fois je fus aux portes du tombeau et je n’échappai à ses rudes atteintes que comme un fragile esquif qui, battu long-temps par les tempêtes et fracassé par les écueils, n’offre plus, en arrivant au port, que des pièces mutilées et que d’informes débris. Je survécus, si c’était là survivre, je

  • Les Allemands écrivent Zoffingen (M. F.).
    • Ce paragraphe et les suivans, jusqu’à celui qui commence

par : J’étais, depuis environ deux ans, etc., appartiennent à une lettre antérieurement écrite. Ils ont été placés ici pour l’intelligence de ce qui vient après (M. F.).