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LA NATURE.

tagée entre les continents et les mers. L’atmosphère qui l’environne, les eaux qui l’arrosent et la fertilisent, les rayons du soleil qui l’échauffent et l’illuminent, les vents qui la parcourent d’un pôle à l’autre, les saisons qui la transforment, sont autant d’éléments pour lui construire un ordre de vie analogue à celui dont notre propre planète est gratifiée. La faiblesse de la pesanteur à sa surface a dû modifier particulièrement cet ordre de vie en l’appropriant à sa condition spéciale. Ainsi le globe de Mars ne doit plus se présenter à nous désormais comme un bloc de pierre tournant au sein de l’immensité dans la fronde de l’attraction solaire, comme une masse inerte, stérile et inanimée, mais nous devons voir en lui un monde vivant, peuplé d’êtres sans nombre voltigeant dans son atmosphère, orné de paysages où le bruit du vent se fait entendre, où l’eau reflète la lumière du ciel. Nouveau monde que nul Colomb n’atteindra, mais sur lequel cependant toute une race humaine habite actuellement, travaille, pense, et médite comme nous sans doute, sur les grands et mystérieux problèmes de la nature.

Camille Flammarion.

CHRONIQUE

Préparatifs en Russie pour le passage de Vénus. — Les astronomes russes ont résolu d’établir vingt-quatre stations pour observer le passage de Vénus. On est fondé à espérer que le temps sera très-favorable pour toutes les observations astronomiques dans les stations de Sibérie et de la côte du Pacifique, car il n’y a dans le mois de décembre qu’une moyenne de trois jours nuageux dans cette partie des possessions russes. Les froids excessifs du mois de novembre sont considérés comme un obstacle invincible pour ce genre de travail. Chaque station est munie de nombreux appareils, horloges, chronomètres, télescopes, etc. Les astronomes doivent faire des travaux préliminaires d’essai à l’observatoire impérial central de Pultowa. Les positions géographiques des stations qui auront ainsi obtenu de bons résultats seront ensuite déterminées par une commission géographique choisie dans la marine russe. Pour compléter cette partie du travail on construit un télégraphe à travers la Sibérie, jusqu’à Nicolavesk. (Nature.)

Découverte d’une carrière de pierres lithographiques. — La plupart des pierres lithographiques, dont on fait aujourd’hui une consommation considérable, proviennent de l’Allemagne. On vient d’en découvrir un gisement très-important en Italie sur la frontière française et sur la côte du golfe de Gènes ; les pierres extraites, sont de très-belle qualité, elles remplaceront avec avantage, celles des carrières exploitées, dont un très-grand nombre commençaient à s’épuiser d’une façon très-sensible.

Un puits à gaz combustible. — À six milles environ de Titusville en Pensylvanie, on a foré un puits qui peut être considéré comme une des merveilles du monde. Il s’en échappe des torrents d’un gaz combustible que l’industrie américaine vient d’utiliser pour l’éclairage et le chauffage de la ville de Titusville. Chaque jour de vingt quatre heures, plus de trois millions de pieds cubes de gaz, jaillissent de l’orifice pratiqué dans le sol. Une grande partie du gaz est perdue ; l’autre partie est dirigée dans des tuyaux vers la ville, où il donne d’excellents résultats pour le chauffage. Il y a aujourd’hui à Titusville deux cent cinquante habitations qui l’emploient journellement. Ce gaz naturel n’est pas très-riche en carbone : son pouvoir calorifique est considérable. Pour les besoins de l’éclairage, on l’enrichit en carbone, en le faisant passer dans des huiles de naphte ou de pétrole.

Ascension du roi de Siam. — Le roi de Siam est un petit ballon tout blanc pesant 123 kilogr. et cubant 320 mètres, coûtant 1500 francs que M. Félix Gratien a construit pour le gouvernement siamois. Il doit figurer aux fêtes de la majorité du second roi, qui auront lieu à Bangkok le 26 septembre prochain. Mais avant d’en prendre livraison les délégués du gouvernement français ont voulu assister à l’essai de ce petit aérostat. L’ascension a eu lieu le 5 août à midi et demi. À 3 heures, M. Félix Gratien exécutait sa descente près de Meaux. Avec son aérostat en miniature il avait donné une répétition du voyage du Géant. Qui oserait dire que les ballons n’ont point d’esprit. La difficulté de préparer du gaz dans les usines naissantes de Bangkok est la cause de l’exiguïté des dimensions de cet aérostat qui avec du gaz hydrogène pourrait largement porter deux personnes. Si le roi de Siam n’a point d’aéronaute ce sera un condamné à mort qui fera l’ascension.

Observation de l’opposition de la planète Gerda. — Les conseils que nous avons donnés pour l’observation de la planète Flore, sont suivis en Amérique avant que la Nature y soit parvenue ! Le docteur Peters ayant calculé dans le Journal américain des sciences l’orbite de la planète Gerda (122e du groupe), une des dernières découvertes, un astronome de l’Observatoire national de Washington, M. Stockwell, vient de publier dans les Nouvelles astronomiques de Kiel les éphémérides pour l’observation de sa prochaine opposition ; cet événement astronomique aura lieu le 27 octobre prochain à 1 heure 11′ 15″ du matin (temps moyen de Paris). L’observation aura cependant lieu dans des circonstances moins favorables non-seulement que celles de la planète Flore, mais encore que celles de la planète Phocea. Le mouvement en ascension droite sera de 11′ en 24 heures et le mouvement en déclinaison de 4′. À ce moment la planète n’étant point à son périhélie, la quantité de lumière qu’elle nous donnera ne sera que les 83/100 de sa valeur maxima. M. Stockwell évalue qu’elle sera alors égale à une étoile de douzième grandeur. À ce moment critique de son mouvement apparent, la planète Gerda se trouvera par 2 h. 4 m. 49 d’ascension droite et 11° 13′ de déclinaison boréale. Elle sera par conséquent dans le voisinage de la constellation du Bélier mais un peu au-dessous de ce groupe d’étoiles.

Découverte de Troie. — D’après un article du docteur Otto Delitsch, dans un périodique allemand, on aurait découvert les ruines mêmes de Troie, qui jusqu’ici avaient échappé à toutes les investigations des archéologues. Le docteur Schliemann aurait mis à jour des objets qui pourraient être considérés comme des témoignages irrécusables de l’emplacement d’Ilion. Il semblerait que le pays est plus élevé de 13 à 15 mètres que du temps d’Homère. On a retrouvé des vases et des figurines expressives ; parmi ces restes précieux on mentionne un buste de femme et des têtes de hiboux, ce qui semblerait indi-