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LA NATURE.

construite, qui a permis d’exécuter toutes les observations avec une régularité comparable à celle des grands établissements astronomiques. Aussi, l’expédition qui a échoué au point de vue géographique, malgré une très-intéressante exploration des glaciers de l’île du nord-est, a-t-elle définitivement débarrassé la science d’une des chimères les plus funestes au point de vue des explorations polaires.

Il est désormais impossible d’admettre l’existence de la mer libre du pôle, et nous nous attendons à voir M. le docteur Peterman faire très-prochainement son mea culpa. Ne faudrait-il pas avoir l’esprit bien obscurci par les préjugés du grossier matérialisme germanique pour ne point confesser que le pôle est occupé par une glacière tellement prodigieuse que, dans tous les sens, les débris de sa débâcle en encombrent les approches. De quelque côté que l’on monte à l’assaut, que ce soit par la mer de Behring, par le Spitzberg, par le Groënland, par la Nouvelle-Zemble, par le détroit de Smith, ne rencontre-t-on point des glaces dérivant vers le sud avec une grande vitesse, et se précipitant avec tant d’abondance qu’aucun navire n’est encore parvenu à les forcer ? L’invention de la vapeur n’a jusqu’ici rien fait. Qui sait, si pour triompher de ces effluves apportant l’hiver, en dépit du soleil qui semble devoir donner l’été, il ne faudrait pas appeler à son aide les ballons ? Mais que d’années s’écouleront sans doute avant que l’on puisse, sans tomber dans le ridicule, prononcer leur nom !

Ces glaces doivent de plus être, au moins en hiver, à une température constamment très basse, car le vent ne peut souffler du côté où elles sont accumulées sans que le thermomètre tombe avec une étonnante rapidité. Les températures observées pendant l’hivernage de Mossell-Bay prouvent en outre que le minimum de froid augmente d’une façon notable avec la latitude, même dans ces régions où l’on ne pouvait croire que le minimum de froid allait être atteint. Les météorologistes de l’expédition ont constaté, à deux reprises différentes, un chiffre de 38° au-dessous de zéro, atteint pendant des tempêtes du nord, tandis que les tempêtes du sud donnaient 1 et 2 degrés au-dessus de zéro.

Les baleiniers, renfermés par les glaces au nord du fiord de la glace, c’est-à-dire cent cinquante kilomètres plus bas, ont trouvé les mêmes oscillations aux mêmes époques, mais bien moins intenses ; leur maximum était de 4° au-dessus de zéro et leur minimum de 32° ; une différence aussi notable serait radicalement inexplicable si l’on refusait de comprendre que les courants aériens du Nord n’ont pu se refroidir, qu’après avoir traversé l’amas des glaciers polaires.

Nous ne croyons pas devoir terminer le récit des nouvelles explorations au Spitzberg sans donner quelques détails sur l’épouvantable mort des dix-huit marins du cap Thordsen. (Voy. la carte de la page 162.) Le journal de ces infortunés nous est aujourd’hui connu : ce livre funèbre commence au 7 octobre 1872. Nous en extrayons les dernières lignes, à dater du 19 janvier 1873 :

« Dieu a appelé à lui, écrit le capitaine Fritz Maek, à 5 heures 30 du matin, Tonnes G. Peterson qui était malade du scorbut depuis le 5. Le même jour, à midi et demi, est mort de la même maladie Hendrick Hertnas, qui a été attaqué le 19 décembre… » À la date du 2 février on lit : « Le scorbut a atteint son plus haut degré ; trois hommes seulement en sont exempts… Aujourd’hui, 20 février, pour la première fois nous avons vu le soleil en 1873, » et le lendemain : « Aujourd’hui le Seigneur a appelé à lui notre camarade Christian Larsen Kjoto, qui est mort après 82 jours de maladie. »

Le livre funèbre se continue ainsi en un style horrible par sa froide et dramatique concision. Le 25, le capitaine Mack écrit : « Je suis le seul qui ne soit point saisi par le fléau. Que Dieu nous vienne en aide. » Le 28 : « Aujourd’hui mourut encore un de nos camarades ; » le 6 avril : « Martin Hansen a succombé à 6 heures du matin ! » Plus loin enfin se lit la dernière ligne : « Qui restera pour écrire mon nom ! »



LA TÉLÉGRAPHIE ATMOSPHÉRIQUE
LES TUYAUX PNEUMATIQUES.

La question de la distribution des dépêches dans l’intérieur des villes, a remis en faveur les systèmes de transport pneumatiques, qui, après avoir eu leur heure de célébrité, semblaient depuis vingt ans voués à l’oubli.

Nous allons, en suivant les phases de cette question, montrer par quelle logique la télégraphie atmosphérique dérive de la télégraphie électrique ; nous nous attacherons ensuite, plus spécialement à la première, et après avoir indiqué ce qu’elle est aujourd’hui, nous rechercherons quel avenir lui est réservé.

La dépêche télégraphique est devenue un objet de consommation courante ; on veut aller vite en ce temps, il était naturel, étant donnée cette tendance, qu’on utilisât avec empressement un moyen aussi commode de transmettre presque instantanément ses impressions ou ses volontés à toutes les distances. Quelques-uns prétendent même que cette conquête de l’industrie n’est pas étrangère à la fièvre de progrès qui nous dévore, nous n’entrerons point dans ce débat.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’une ville comme Londres ou Paris expédie et reçoit chaque jour un grand nombre de télégrammes. Les fils qui servent de conducteurs à l’électricité, sont multipliés dans toutes les directions afin de suffire à ce trafic. Ils aboutissent dans l’intérieur, à un centre qui est l’hôtel des télégraphes.

Cette station centrale parle urbi et orbi, en d’au-