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LA NATURE.

novre, trois coups de mine chargés de 5 kilog. de dynamite, ont détaché 600 000 kilogrammes de roche ! Dans le creusement d’un puits, le même expérimentateur a vu la dynamite produire des effets extraordinaires. La roche, à partir du trou central, se fissurait suivant des lignes rayonnantes et se disloquait complètement, de telle sorte qu’il était facile de l’extraire au coin. Rapportons encore une expérience très-intéressante faite dans une argile très-grasse, très-ferme, où la poudre à canon ne produisait aucun effet. La nouvelle matière explosible donna des résultats étonnants : « Une montagne entière, dit M. Barbe, fut soulevée et déchirée dans tous les sens. »

« Les ponts métalliques tombés, dit M. P. Champion sont d’un relèvement difficile à cause de leur poids et de la longueur des pièces qui les composent ; on a souvent avantage à les briser en fragments, dont l’extraction s’exécute ensuite à l’aide des moyens ordinaires. Dans ce cas, ainsi que nous l’avons pratiqué au pont en tôle de Billancourt, il suffit en général d’appliquer des récipients pleins de dynamite contre les parois métalliques les plus résistantes. C’est ainsi qu’avec une charge de 5 kilogrammes de dynamite, nous avons pu briser et disjoindre les rivets réunissant des plaques de tôle d’une épaisseur de 12 millimètres chacune. »

Un dernier usage de la dynamite nous reste à signaler, c’est celui qu’on a pu en faire pour la pêche. Dans les travaux sous-marins, on a remarqué depuis longtemps que, lorsqu’une forte charge de dynamite avait fait explosion, l’ébranlement formidable se communique à la masse d’eau qui s’étend au-dessus du lieu de la commotion, et cause la mort ou l’étourdissement des poissons, que l’on voit immédiatement remonter à la surface de l’eau et y flotter complètement inertes.

« Entre des mains exercées, la dynamite peut donner lieu à des résultats importants. On insère dans une cartouche du poids de 50 à 60 grammes une amorce surmontée d’une mèche Bickford, de 30 à 40 centimètres de longueur, que l’on fixe par une ligature solide. On attache la cartouche à un fragment de bois qui doit servir de flotteur et qui est muni d’une corde longue de un mètre, à l’extrémité de laquelle on place une pierre assez lourde pour entraîner ce flotteur. Dans ces conditions, la cartouche surnage à un mètre au-dessus du fond de la rivière. On descend avec précaution sous l’eau la cartouche ainsi préparée et on l’abandonne après avoir mis le feu à la mèche. Au moment de l’explosion, si la distance de la cartouche à la surface de l’eau est d’environ 2m,50, on n’entend qu’un bruit analogue à celui d’un coup de fouet. Quelques secondes après, l’eau est soulevée en forme de boule de 1m,50 de diamètre. Les poissons les plus rapprochés de l’explosion ne tardent pas à monter à la surface et sont tués sur le coup. Les autres n’apparaissent que quelques instants et ne sont qu’étourdis. L’approche de la main qui veut les saisir suffit quelquefois pour les ranimer et les faire disparaître. Aussi doit-on se hâter de les recueillir avec un filet. » Cette méthode est de celles qui sont complètement prohibées en France par les lois de la pêche. Elle est actuellement employée, en Norwége, pour pêcher les poissons marins qui arrivent par bancs innombrables à certaines époques de l’année et produit des résultats merveilleux. L’explosion d’une cartouche puissante amène à la surface de la mer des monceaux de poissons, tellement considérables, que les pêcheurs ont à peine le temps de les recueillir.

On voit, par ces résultats, que la dynamite peut être considérée comme une arme nouvelle d’une puissance formidable, mise entre nos mains par la chimie moderne ; cette matière détonante n’offre plus les dangers de la nitro-glycérine pure, elle se présente aujourd’hui comme le plus admirable outil dont l’homme dispose, pour attaquer la matière inerte, dans les grands travaux de son industrie.

Gaston Tissandier.

LES PLUS GRANDS TÉLESCOPES DU MONDE.
I. — LE TÉLESCOPE DE MELBOURNE.

Les merveilleuses découvertes auxquelles la sublime science du ciel a conduit l’esprit humain transportent nos pensées en des mondes étrangers à la terre. La géographie de la lune, l’activité chimique du soleil, la météorologie de Mars, le mystère des anneaux de Saturne, la composition des étoiles, l’état des univers lointains illuminés par des soleils multiples et colorés, les divers sujets de l’astronomie planétaire et sidérale, captivent notre attention, notre admiration même, et plus d’un lecteur des études d’astronomie, plus d’un amateur, plus d’un contemplateur se demande à l’aide de quels instruments la vue de l’homme a pu être amplifiée au point de pénétrer jusqu’en ces régions inaccessibles.

Si généreusement récompensée par le succès, la curiosité studieuse s’est surexcitée encore, pendant ces dernières années, par le noble désir d’ajouter des conquêtes nouvelles à celles qui ont déjà été obtenue. Maintenant que nous pouvons mesurer la distance des étoiles, (problème insoluble il y a seulement cinquante ans) ; maintenant que nous pouvons analyser la constitution physique des astres (recherche irréalisable il y a seulement quinze ans) ; maintenant que nous pouvons constater le mouvement des étoiles qui s’éloignent ou s’approchent de nous en restant en apparences immobiles sur le même rayon visuel (question jugée absurde, il y a seulement trois ans) ; nous ne devons plus nous arrêter. Nous voulons aller plus loin. Il est intéressant pour nous de passer en revue les derniers efforts récemment accomplis dans cette voie.

Parmi les grands instruments d’optique récemment