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LA NATURE.

qu’un exemple, n’est-il pas clair en effet, qu’elles ne peuvent s’appliquer aux taches obscures pour ainsi dire permanentes que mentionnent les observations prolongées du premier Cassini. La lenteur des variations des saisons sur Jupiter explique bien la permanence d’une tache pendant quelques-uns de nos mois : ainsi les deux taches observées par Mœdler et Beer, de novembre 1834 à avril 1835, sont restées visibles pendant 167 jours terrestres, cinq mois et demi. Une telle durée d’une masse atmosphérique sur notre terre serait considérable mais il faut considérer que ce n’est guère que la vingt-cinquième partie de l’année de Jupiter, comme la moitié d’un des mois de cette planète.

Mais que dire de la tache si longtemps observée par Cassini, laquelle paraît s’être montrée au même point depuis 1665 jusqu’à 1715, c’est-à-dire pendant cinquante années avec de longs intervalles, il est vrai, des disparitions ; pendant des années entières, l’illustre astronome put l’observer, sans qu’aucun doute lui restât sur son identité. Nuage ou trouée, il est également difficile d’expliquer ce long séjour, en un même point, d’un produit atmosphérique. Faut-il supposer, comme on l’a fait, qu’en cette région de Jupiter existent de hautes montagnes, un immense plateau que l’on verrait ainsi surgir quand l’atmosphère qui le recouvre serait moins chargée de vapeurs, tandis que les parties plus denses de l’air ambiant masqueraient encore toutes les régions voisines ? Conjectures, on le voit, purement hypothétiques.

Dans tout ce qui précède, nous n’avons abordé qu’une partie des questions relatives à la constitution physique de Jupiter, et encore, sommes-nous loin d’avoir exposé tous les doutes qu’elles font naître dans l’esprit, tous les désiderata bien propres à faire hésiter tous ceux qui ne font pas de la science une affaire d’imagination et qui préfèrent un fait bien établi, bien précis à la plus séduisante des hypothèses. Mais cette notice est déjà longue et nous ne voulons pas mettre plus longtemps à l’épreuve la patience de nos lecteurs.

Amédée Guillemin.

LE PORT ALLEMAND DE WILHELMSHAVEN

Il se passe actuellement de l’autre côté du Rhin, des faits de la plus haute importance au sujet desquels il nous semble utile d’appeler l’attention publique : le gouvernement allemand ne recule devant aucun sacrifice pour utiliser les ressources de la science, au point de vue militaire, et pour doter l’empire d’une marine formidable, capable de rivaliser avec celle des premières nations maritimes. Des travaux gigantesques, que nous croyons pouvoir mentionner comme des merveilles de l’art des constructions de l’ingénieur, ont été exécutés sur les côtes de l’empire d’Allemagne, qui, si exiguës qu’elles soient, ne s’en hérissent pas moins, d’appareils formidables, de ports puissants, et de forteresses défendues par les fameux canons d’acier, que l’ingénieur Krupp sait fondre dans ses usines. Le mois dernier, les membres du conseil fédéral et du Reichstag allemands, ont été invités à visiter le nouveau port allemand de Wilhelmshaven. D’après le Sperneshe zeitung, les visiteurs, firent la traversée de Bremerhaven à Wilhelmshaven sur un navire « pavoisé, comme dans un jour de fête, orné de pavillons et de banderolles. » La Revue maritime, publie d’après le Rivista maritima, de curieux détails sur une solennité, qui a fait sensation en Allemagne.

Le maréchal de Moltke était l’objet de l’admiration générale. « À notre passage, dit un des témoins de cette fête, nous pûmes observer avec plaisir les favorables dispositions des ports des deux gracieuses villes de Geestemünde et de Bremerhaven, qui maintenant comptent environ 30,000 habitants chacune, et qui voient apparaître chez elles et sur le Weser un nombre extraordinaire de navires, véritable forêt de mâts. Ceci prouvait à chacun de nous qu’une flotte militaire doit être pour l’Allemagne quelque chose de plus qu’un objet de luxe. Dès que le Mosel eut son avant tourné vers la rade de Jahde, nous aperçûmes un certain nombre de navires, parmi lesquels nous reconnûmes les corvettes Hertha et Ariadne et le navire en essai la Loreley. Tous les yeux se dirigèrent sur ces bâtiments avec un intérêt marqué ; car c’était un spectacle tout nouveau pour plusieurs d’entre les conseillers qui étaient à bord du Mosel, que celui d’un simulacre de combat en pleine mer…

Wilhelmshaven est bâtie, au bord de la mer, sur un terrain qu’il a fallu disputer pied à pied, à l’eau, et ce qui est pis encore à la vase et aux marais. Çà et là s’élèvent les habitations, isolées et groupées, formant de longues rues et présentant partout l’aspect d’une cité naissante. Avec quel intérêt naturel, les membres de la commission ne durent-ils pas contempler ces établissements maritimes, pour lesquels on conçoit de si belles espérances et on a voté de si grosses sommes !…

Les visites que nous fîmes au Grosser Kurfürst continue notre narrateur allemand, et à la frégate Prinz Friedrich Carl, en activité de service, furent très-intéressantes ; nous admirâmes à bord de celle-ci, les canons Krupp, qui lancent des projectiles du poids de 200 kilogrammes.

Pendant le petit nombre d’heures de notre séjour dans cette ville, nous n’eûmes pas le temps de faire une visite sérieuse aux grands établissements maritimes que l’on y a construits ; nous pûmes à peine jeter un coup d’œil sur les machines et les ateliers, et remarquer la série des navires placés sur les deux côtés du grand bassin : l’Augusta, les deux frégates Kronprinz et Friedrich Carl, l’imposant Kœnig Wilhelm, le Prinz Adalbert, l’aviso Falke, l’Alder, etc.

À 7 heures du soir, nous nous rendîmes à bord