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LA NATURE.

éclairées, elles jouent le rôle de deux miroirs qui réfléchissent la lumière et projettent leur double image sur un papier sensibilisé, qui se déroule régulièrement de haut en bas, sous l’influence d’un mécanisme d’horlogerie. On obtient ainsi deux courbes sinueuses qui se rapprochent ou s’écartent à toute heure du jour, accusant avec une exactitude absolue l’état électrique de l’atmosphère à tout moment de la journée.

C’est à Francis Ronald qu’appartient l’honneur d’avoir imaginé cet admirable système d’enregistrement. Son photo-électrographe fonctionne à Kiew ; ouvrier infatigable, il inscrit, nuit et jour, pendant le cours des années, les moindres variations électriques des phases atmosphériques.

Une autre branche de la physique, la photométrie, a trouvé dans les opérations photographiques de puissants auxiliaires d’expérimentation. Quand les physiciens veulent mesurer l’intensité de deux foyers lumineux, ils les font briller simultanément, et en mesurent la puissance par la valeur comparative de leurs ombres. Mais comment opérer une telle mesure quand les deux sources de lumière ne peuvent briller ensemble ? Si la comparaison est facile entre l’intensité lumineuse d’une bougie et celle d’une lampe, que l’expérimentateur allume en même temps, comment pourra-t-il agir s’il veut mesurer la puissance relative de la lumière solaire et de la lumière des étoiles ou de la lune ? Les moyens photographiques ont seuls permis de résoudre des problèmes aussi délicats. Que l’on expose un papier sensibilisé à l’influence de l’image formée au foyer d’une lentille par une source lumineuse, le degré d’altération, plus ou moins sensible, de la surface impressionnable ne servira-t-il pas à mesurer l’intensité de la lumière émise ? La trace du foyer lumineux n’est plus fugitive, comme l’ombre qu’elle projette en éclairant la règle du photomètre ordinaire, elle est durable et permanente ; elle pourra se comparer avec celle fournie par une source de lumière qui brillera à d’autres moments.

La photométrie photographique a permis à la science de comparer l’intensité lumineuse des rayons solaires à celle des rayons lunaires. L’astre du jour donne une lumière qui est trois cent mille fois plus considérable que celle de l’astre des nuits !

Grâce à ces procédés, la physique a pu se tracer une voie nouvelle dans des domaines qu’elle considérait comme inaccessibles avant l’apparition de la photographie. MM. Herschell, Edmond Becquerel ont pu étudier avec efficacité les caractères propres aux rayons solaires, à des différentes heures du jour ; grâce à l’emploi des papiers photographiques, l’étude de l’action chimique de la lumière, à laquelle se sont consacrés des savants émérites, a pris rang parmi les chapitres les plus intéressants de la science moderne.

On voit, par la description succincte des admirables instruments que quelques-uns de nos grands observatoires mettent en action, combien l’enregistrement photographique est précieux, puisqu’il permet d’obtenir des indications précises et continues. Mais ces appareils sont à peine nés d’hier, leur usage n’est pas encore très-répandu ; ils sont certainement appelés à se modifier rapidement, pour céder la place à d’autres systèmes plus complets et plus ingénieux encore. En outre, l’enregistrement photographique peut s’appliquer à d’autres appareils d’observation. Rien n’empêche, par exemple, de munir le pluviomètre d’un système qui accuserait les variations de son niveau par l’intermédiaire d’un tube faisant fonction de vase communiquant.

Il ne faudrait pas supposer, d’après ce que nous venons de dire, que le système photographique est le seul que l’observateur puisse employer pour l’enregistrement ; nous avons uniquement insisté sur celui-là, parce qu’il abonde en appareils nouveaux et ingénieux. Mais, pour compléter notre exposé succinct, il n’est peut-être pas inutile d’ajouter, qu’en dehors du système photographique, la science a souvent recours à deux autres systèmes : celui qui est basé sur les procédés mécaniques et celui qui repose sur des méthodes électro-magnétiques. Le premier consiste à trouver, dans les variations qu’éprouvent les appareils, la force nécessaire à mettre en mouvement les styles enregistreurs, de telle façon qu’il soit possible de leur faire laisser des traces. Ce système est le plus ancien, mais il est difficilement applicable en raison de peu d’intensité de la force dont on dispose. Le second, comme son nom l’indique, est basé sur l’emploi de l’électricité dynamique. La photographie dans un grand nombre de cas offre d’incontestables avantages. Quoi qu’il en soit, l’avenir prouvera que l’enregistrement est la base fondamentale de la météorologie, qui ne peut formuler ses lois qu’en les étayant sur des observations continues. – Un jour viendra où les observatoires fonctionneront d’eux-même : le rayon lumineux écrira en silence la marche et la variation de tous les appareils ; l’observateur n’aura plus qu’à venir, une fois par jour, consulter les registres sensibilisés, où la nature aura, pour ainsi dire, marqué de son propre sceau les changements périodiques ou intermittents dont elle subit sans cesse la mystérieuse influence !

Gaston Tissandier.

LES WAGONS DES CHEMINS DE FER
AMÉRICAINS

Il existe aux États-Unis plus de 100 000 kilomètres de chemin de fer. La locomotive y franchit des distances prodigieuses, puisque, de New-York à Chicago, il y a 1 600 kilomètres, et de New-York à San Francisco, près de 6 000 kilomètres. Les voyages sont donc de longue durée, bien que la vitesse des trains soit presque aussi grande qu’en France, Cela étant, les Américains, qui n’aiment guère la gêne, ont voulu avoir des wagons où les habitudes de la vie ordinaire