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Page:La Nature, 1879, S1.djvu/249

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proviennent. C’est ainsi que les jardiniers conservent les innombrables variétés qu’ils ont réussi à obtenir, soit dans les plantes d’ornement, soit dans les arbres à fruits et ils savent en augmenter le nombre indéfiniment.

Chez les Rhizopodes, tout ce que nous savons actuellement nous autorise à penser que la génération sexuée n’existe pas. La reproduction n’est donc chez eux qu’un véritable bouturage : toutes les variations individuelles se conservent, par conséquent, et s’accumulent avec le temps, modifiant sans cesse les formes primordiales, écartant les unes des autres les formes issues d’un même parent, rapprochant d’autres formes d’origine différente, établissant ainsi mille liens accidentels d’un type à l’autre. L’influence héréditaire qui, dans le mode de génération sexuée, tend à maintenir la constance des formes, semble ici se mettre au service de l’influence modificatrice des actions extérieures dont elle contribue à maintenir l’effet. L’espèce ne peut donc se fixer. Théoriquement, elle ne saurait exister pour des êtres dépourvus de génération sexuée et les faits sont, on vient de le voir, parfaitement d’accord avec la théorie.

D’autre part les variations que les propriétés du Protoplasma peuvent éprouver sous l’action des circonstances extérieures, ne sauraient ici être maintenues dans une direction déterminée, comme cela peut avoir lieu pour des organismes supérieurs entre lesquels la lutte pour la vie est ardente, la sélection naturelle par conséquent très rigoureuse, le perfectionnement rapide. L’ornementation du test d’un Foraminifère, la forme des spicules d’un Radiolaire, leur disposition même ne sauraient assurer un avantage bien considérable à la masse protoplasmique qui les sécrète. Toutes ces masses sont à peu près équivalentes au point de vue de l’activité vitale. On ne voit pas en elles de causes de progrès. Leurs formes, malgré leur inconstance, tournent donc constamment dans le même cercle. Les types originels se conservent aussi bien que les variétés qui en dérivent : c’est pourquoi des formes analogues de Rhizopodes se retrouvent à la fois parmi les fossiles les plus anciens et dans la faune actuelle. Mais, puisque nous ne retrouvons ici aucune des conditions auxquelles Darwin attribue la formation des espèces élevées, comment expliquer, ce qui est pourtant nécessaire, dans la théorie de l’évolution, que ces espèces dérivent des formes simples dont nous venons de parler, puisque ces formes semblent vouées à une éternelle infériorité ?


Fig. 4. — RADIOLAIRES. — 1. Doratospis polyamystra, Hæekel. — 2. Cuchitonia Beckmanni, Hæckel. — 3. Spores spiculifères de Collozoum. — 4. Spores sans spinales de Collozoum.

L’œuf des animaux actuels, même les plus élevés, est plus simple que la plupart des Rhizopodes. Il n’est lui aussi qu’une petite masse de protoplasme, enfermée dans une mince membrane et contenant un noyau et un nucléode. Cet œuf possède pourtant une faculté d’évolution dont la nature nous échappe, que nos sens ne nous permettent pas de définir et qui l’entraîne, à travers mille transformations, vers un but précis, déterminé. Faut-il admettre qu’au moment où ils ont pris naissance, les premiers protoplasmes ont de même reçu chacun une faculté spéciale d’évolution qui a permis aux uns de produire, sous l’action stimulante des agents extérieurs, les êtres vivants les plus hautement organisés, tandis que d’autres n’ont pu s’élever que fort peu au-dessus de leur condition primitive ? Peut-être.

Tels quelques-uns de nos corps simples, les métaux précieux, par exemple, n’ont fourni depuis l’origine des âges qu’un petit nombre de composés, tandis que d’autres, le carbone, l’oxygène, l’hydrogène, entre autres, se sont prêtés à mille métamorphoses et ont fourni un nombre incalculable de combinaisons aussi complexes que variées.

Ainsi, il ne faut pas le dissimuler, nous avons dû avoir recours à l’hypothèse pour expliquer l’origine des êtres organisés les plus simples, c’est encore une hypothèse qu’attribuer à ces êtres l’honneur d’avoir été la souche du Règne animal et du Règne végétal ; il n’y aura de raisons de laisser subsister ces hypothèses que si elles permettent de grouper un nombre considérable de faits que, s’il est possible, avec leur aide, de s’expliquer les formations des organismes les plus élevés ; c’est ce que nous aurons à examiner ; mais tout d’abord quelques questions se posent d’elles-mêmes :

Y a-t-il au moins quelque commencement de