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Ces productions filiformes sont tout à fait remarquables, elles sont répandues dans toute l’île  ; dans la plaine qui s’étend autour de Kilauca, sous le vent du cratère, elles sont si abondantes, que le sol paraît couvert de toiles d’araignées. On les trouve encore réunies dans les crevasses, par touffes ressemblant à de la filasse ; elles en ont la couleur blonde. Tantôt elles sont droites, tantôt elles sont frisées ou recourbées, elles présentent souvent des terminaisons en gouttelettes.

Les indigènes les connaissent sous le nom de Cheveux de Pelé. Pelé, c’est la déesse des volcans ; c’est la divinité suprême de l’archipel Havaïen ; elle a son temple dans le Lua-Pelé, c’est ainsi qu’on désigne aux Sandwich le lac de feu de Kilauea. C’est elle qui a créé les îles, mais ce sont aussi ses colères qui les ont tant de fois bouleversées. Maintenant encore les indigènes ne s’approchent du terrible séjour de la malicieuse déesse qu’avec une terreur superstitieuse ; ils jettent des offrandes dans le lac, pour obtenir d’elle de pouvoir traverser sains et sauf son territoire. Le témoignage suivant de M. de Varigny, qui date de 1857, en fait foi : « Au moment où nous approchions du bord, nos Kanaques se déchaussèrent et se découvrirent. Après quelques mots balbutiés à voix basse, et dont le sens nous échappa, ils attachèrent à des pierres quelques petits objets de verroterie, apportés évidemment pour cela de Hilo, et les lancèrent dans le gouffre mugissant, en s’écriant à trois reprises : Aloha, Pelé. (Je te salue, Pélé.) »

La terrasse que nous venons de décrire s’étend d’une façon continue autour du cratère central ; il faut une heure de marche pour atteindre le bord de cette seconde dépression, et c’est alors qu’on peut juger de l’étendue et de la majestueuse beauté du lac de feu qui en occupe le fond.

Ch. Vélain.


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CONTRASTES

entre les

COULEURS DES FLEURS ET DES FRUITS

Sous ce titre, M. Saunders donne, dans le Science Gossip, un ensemble d’observations qui, bien qu’écrites au point de vue de la flore des Îles Britanniques, s’appliquent également bien à notre région du nord de la France, et que nous résumons de l’excellent périodique anglais auquel nous avons déjà fait plus d’un emprunt.

Les couleurs qui se rencontrent le moins fréquemment dans les fleurs sont le noir et l’écarlate. Aucune fleur n’est entièrement noire ; mais le Papayer hybridum présente, à la base de ses pétales écarlates, de petits disques noirs bien marqués. Les fleurs écarlates sont numériquement fort abondantes dans les champs cultivés ; mais elles ne se rencontrent que dans trois genres appartenant à trois ordres différents : l’Adonis goutte-de-sang (Renonculacées), les coquelicots, quatre espèces (Papavéracées) et le mouron rouge, Anagallis arvensis (Primulacées). Il est remarquable que ces plantes, dont une au moins est d’origine exotique, ne se trouvent que dans les endroits exposés en plein soleil.

Contraste frappant : tandis que ces couleurs sont fort rares parmi les fleurs, près de la moitié de nos fruits succulents ou de nos baies sont noirs ; et environ quarante pour cent sont rouges ou écarlates, Qu’on songe aux baies des ronces, du nerprun, du prunellier, du sureau, du troène, du genévrier et de la parisette, — et d’autre part aux fruits de l’épine, de l’alisier, du sorbier, du cerisier, de la douce-amère, de la bryone, et aux pseudo-fruits de la rose et du fraisier.

Par contre, un très grand nombre de fleurs sont blanches ; celles même qui sont normalement bleues ou rouges présentent des variétés blanches. L’intensité de la blancheur paraît encore s’accroître dans les plantes qui sont fertilisées par des insectes nocturnes. Dans les fruits, au contraire, la blancheur est fort rare ; on n’en trouve guère d’exemple que dans les baies du gui.

On rencontre bien un arbrisseau aux fruits blancs et opaques, le Symphoricarpus, mais c’est une plante cultivée originaire de l’Amérique du Nord.

Le jaune franc n’est pas commun dans les fruits de nos pays ; on le trouve dans le lierre quelquefois et dans la pomme sauvage ; la couleur orange se rencontre dans l’épine-vinette et dans l’Hippophæ rhamnoides, si commun dans nos dunes. — Les fleurs jaunes sont très communes ; il n’y a qu’à se rappeler les Composées, les renoncules, les senves, et beaucoup de Primulacées.

Le cramoisi est rare dans les fleurs comme dans les fruits ; on peut citer cependant le Carduus nutans, d’une part, et de l’autre, les baies du chèvrefeuille et celles du fusain. Le vert se rencontre assez souvent dans les fleurs ; mais il échappe à l’attention. Rappelons néanmoins le Tamus communis, les euphorbes et l’hellébore. De fruit vert succulent, on ne trouve, comme indigène, que la groseille verte.

Un fait curieux à noter, c’est qu’il n’est pas une fleur bleue qui donne dans notre pays un fruit succulent ; la grande majorité de ces fruits proviennent de fleurs blanches, ou passant au rose ou au pourpre.

On le voit, les contrastes sont marqués entre les fleurs et les fruits. Il existe sans doute une cause de ces différences, et ce ne sont point là des coïncidences purement fortuites. M. Saunders semble vouloir en trouver la raison dans l’adaptation de la plante, qui doit plaire successivement à deux sens esthétiques différents : celui des insectes, nécessaires pour la fécondation de la plante, et celui des oiseaux, nécessaires à leur tour pour la dissémination de la graine. L’auteur ne fait qu’insinuer cette possibilité. Nous nous contenterons aussi de l’indiquer après lui ; mais nous pensons que la raison de ces contrastes doit être cherchée plutôt dans le domaine des sciences physiques, et que les lois de l’optique et de la chimie en fourniraient peut-être l’interprétation.

R. V.


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LE FUSIL PHOTOGRAPHIQUE

Les expériences que je vais décrire se rattachent aux études que j’ai faites il y a une douzaine d’années sur la locomotion animale[1], études que j’ai dû

  1. Voy. No 278 du 28 septembre 1878, page 273.