grâce à la science moderne et à ses inventions, elle a rendu la guerre plus hideuse encore qu’autrefois.
Sa Némésis à elle, c’est qu’elle ne comprend rien au monde extérieur. Elle s’est trompée sur ce que ferait la Belgique, sur ce que ferait la France, sur ce que ferait la Russie ; et elle s’est trompée plus grossièrement encore sur ce que ferait l’Angleterre. Et elle comptait sur les sympathies de l’Amérique !
Ainsi résumée, la prussianisation de l’Allemagne paraît fantastique ; fantastiques aussi et irréelles la crédulité absolue, la foi fervente, abjecte, des jeunes gens hypnotisés. Écoutez ce que disait récemment un jeune Allemand. J’ai vu sa lettre, adressée à un de mes amis. Il avait été le précepteur des enfants de mon ami. Charmant, d’une éducation parfaite, il ne donnait aucun signe d’hypnotisme. Il part pour la guerre ; dans son pays il respire les miasmes prussiens. Bientôt après, on reçoit de lui une lettre ; c’est — pendant les premières pages — la lettre qu’on peut attendre d’un jeune homme ardent et sincèrement patriote. Puis les miasmes produisent leur effet et, tout-à-coup, il est pris du vertige moral et écrit ceci :
C’est bien cela ! Cet étudiant éclairé, cette noble nature, ce jeune homme d’avenir est prussianisé, ainsi que des millions d’autres jeunes gens comme lui, au point d’être devenu un fou furieux, nageant dans une mer de sang ! Est-il rien de plus tragique ? Voici comment le Wilhelm Meister de Goethe s’imagine la perte d’Hamlet et les causes qui l’ont amenée :
La Prusse, plantée en Allemagne, a fait éclater l’empire.
XI.
Nous voici maintenant préparés à entendre la doctrine prussienne. Nous allons donner, dans les lignes qui suivent, le corps de cette doctrine composé phrase par phrase de choses dites par des Prussiens, par le Kaiser et ses généraux, par des professeurs et des publicistes et par Nietzsche. Une partie de ces choses ont été dites de sang-froid, des années avant la guerre ; mais dans