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POÉSIES.



ARCHITECTURE.


Certes, l’art éternel, la parole infinie,
Pousse par intervalle un sanglot d’agonie.
Comme Jésus, saisi d’un sublime remord,
Défaillant, il se trouble en face de la mort ;
Et seuls, sur la montagne où l’Esprit les oublie,
Les Dieux sont abreuvés d’amertume et de lie.
Le cri du désespoir sort de leurs cœurs blessés :
Ô mon père ! pourquoi nous as-tu délaissés ?
Le ciseau gît brisé, la lyre est détendue,
Comme un flambeau qui meurt, l’âme tremble éperdue.
Ô chaste Galathée ! ivoire immaculé,
Songe d’amour ! tu n’as ni marché ni parlé.
Primigène olympien, ô vision ternie !
Non, tu n’es pas celui qu’enfantait mon génie.
Hélas ! Pygmalion et Phidias ont rêvé !
Ah ! c’est un dur supplice à bien peu réservé,
Que cette heure d’angoisse où la forme insensible
Ne contient plus son Dieu dans sa beauté visible ;
Un tourment sans égal, au vulgaire inconnu,
Où, d’un sanglot profond, vainement contenu,
L’amant désespéré de la forme sacrée
Demande aux cieux éteints l’étincelle qui crée !
Heureux alors, heureux qui n’a point déserté
L’autel de l’idéal, un instant sans clarté ;
Heureux qui n’aura point, dans la foule banale,
Maculé pour jamais sa robe virginale ;
Qui pleure saintement, et reste convaincu
Que l’art est éternel quand l’artiste est vaincu.
Celui-là reverra la Pythie inspirée
Remonter au trépied d’où parle l’Empyrée,