Page:La Révolution surréaliste, n07, 1926.djvu/14

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POEMES Loin de moi à l’instant où chantent les alambics, à l’instant où la mer silencieuse et bruyante se replie sur les oreillers blancs. Si tu’savais. Loin de moi ô mon présent tourment, loin de moi au bruit magnifique des coquilles d’huîtres qui se brisent sous le pas du noctambule, au petit jour, quand il passe devant la porte des restaurants. Si tu savais. Loin de moi, volontaire et matériel mirage. Loin de moi c’est une île qui se détourne au passage des navires. Loin de moi un calme troupeau de boeufs se trompe de chemin, s’arrête obstinément au bord d’un profond précipice, loin de moi, ô cruelle. Loin de moi, une étoile filante choit dans la bouteille nocturne du poète. Il met vivement le bouchon et dès lors il guette l’étoile enclose dans le verre, il guette les constellations qui naissent sur les parois, loin de moi, tu es loin de moi. Si tu savais. Loin de moi une maison achève d’être construite. Un maçon en blouse blanche au sommet de Véchafaudage chante une petite chanson très triste et, soudain, dans le récipient empli de mortier apparaît le futur de la maison : les baisers des amants et les suicides à deux et la nudité dans les chambres des belles inconnues et leurs rêves mêmes à minuit, et les secrets voluptueux surpris par les lames de parquet Loin de moi Si tu savais. Si lu savais comme je t’aime et, bien que tu ne m’aimes pas, comme je suis joyeux, comme je suis robuste et fier de sortir avec ton image en tête, de sortir de l’univers. Comme je suis joyeux à en mourir. Si tu savais comme le monde m’est soumis. Et toi, belle insoumise, aussi comme tu es ma prisonnière. O toi, loin-de-moi à qui je suis soumis Si tu savais. NON L’AMOUR N’EST PAS MORT Non l’amour n’est pas mort en ce coeur et ces yeux et cette bouche qui proclamait ses funérailles commencées. Ecoutez j’en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme. J’aime l’amour, sa tendresse et sa cruauté. Mon amour n’a qu’un seul nom, qu’une seule forme. Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche. Mon amour n’a qu’un nom., qu’une forme. Et si quelque jour tu t’en souviens O toi, forme et nom de mon amour, Un jour sur la mer entre l’Amérique et l’Europe, A l’heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues, ou bien une nuit d’orage sous un arbre dans la campagne ou dans une rapide automobile, Un matin de printemps boulevard Malesherbes, Un jour de pluie, A l’aube avant de te coucher, Dis-toi, je l’ordonne à ton fantôme familier, Que je fus seul à t’aimer davantage et qu’il est dommage que tu ne l’aies pas connu. Dis-toi qu’il oiefaut pas regretter les choses : Ronsard avant moi et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes qui méprisèrent le plus pur amour. Toi quand’^u seras morte Tu seras belle et toujours désirable. Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l’éternité, mais si je vis Ta voix et son ^accent, ton regard et ses rayons, L’odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d’autres choses encore vivront en moi,