Page:La Révolution surréaliste, n07, 1926.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

A LA FENÊTRE Je n’ai pas toujours eu cette sûreté, ce pessimisme qui rassure les meilleurs d’entre nous. Il lut un temps où mes amis riaient de moi. Je n’étais pas le maître de mes paroles.Unecertaine indifférence. Je n’ai pastoujoursbien su ce que je voulais dire, mais, le plus souvent c’est que je n’avais rien à dire. La nécessité de parler et le désir de n’etre[pas entendu. Ma vie ne tenant qu’à un fil. Il fut untemps où je ne semblais rien comprendre. Mes chaînes flottaient sur l’eau. Tous mes désirs sont nés de mes rêves. Et j’ai prouve mon amour avec des mots. A quelle créature fantastique me suis-je donc confié, dans quel monde douloureux et ravissant mo n imagination m’a-t -elle enfermé? Jesuis sûr d’avoir été aimé dans le plus mystérieux des domaines, le mien.Le langage de mon amour n’appartient pas au langage humain, mon corps humain ne touche pas à la chair de mon amour. Mon imagination amoureuse a toujours été assez constante et assez haute pour que nul ne puisse tenter de me convaincre d’erreur. Paul ELUARD. COURSED’AUTOS ManRay DERNIERSEFFORTS ET MORTDU PREVOT // André Breton. Chacun donc est sur ses positions, s’observe, lorsqu’éclate comme un coup de feu la Jacquerie. Je n’ai malheureusement ni les loisirs ni la place, dans ce bref essai, de disserter silice soulèvement populaire, provoqué par l’admirable paysan Guillaume Karl ; l’essentiel est que je signale ici la sincère attitude révolutionnaire d’Etienne Marcel qui fait aussitôt alliance avec les insurgés. D’abord parce qu’il connaît la misère effroyable des serfs et qu’il y compatit, ensuite parce qu’il devine combien de force vitale est en puissance, là. I lélas ce sont des hommes qui, à défaut de savoii tuer, savent mourir et toute cette troupe indisciplinée et Fanatiqueva se faire hacher en quelques semaines par les armées coalisées du Dauphin et de la noblesse. Voilà le beau spectacle patriotique auquel on nous convie : les patriciens français massacrant la plèbe,d’isle de France, sans risque, comme le boucher égorge un mouton, à l’abattoir. Non, il n’y aura pas assez de tout le sang noble répandu, en 1792,pour effacer le souvenir de cette curée ; il faut encore pour notre vengeance une jacquerie à rebours. Le temps n’est pas éloigné qui la satisfera. Les victimes que je désignerai ne manquent pas si le bourreau que je pressens répond, le jour venu, à mon appel. Se resserre l’encerclement de Paris par les troupes du régent. La misère est clansla place. La famine commence ses ravages et voici la haine qui succède à l’amour. La population rend Marcel responsable de tous ses maux. Les sales bourgeois, tout bas, souhaitent sa perte, eux qui arboraient hier le chaperon mi-rouge, mi-bleu, avec un fermoir de métal émaillé, « en signe d’alliance de vivre et mourir avec lui ». Des mégères murmurent quand il passe, impassible et solennel ; parfois l’une d’entre elles, plus hardie, ribaude aux yeux canailles, aux fessesprovocantes, s’approche et, sur le pavé qu’il va fouler, lance un jet de salive. Alors, il continue sa route, aussi dédaigneux dos affronts et des menaces qu’il l’avait été des agenouillements et de l’adoration.