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CHRONIQUES

L’OPPORTUNISME

IMPUISSANT

Si l’on considère d’une part l’opportunisme politique des gouvernements capitalistes

quelles que soient les formes revêtues par ces gouvernements — et d’autre part les intérêts vitaux de la classe ouvrière, on est frappé de constater fin- compatibilité absolue qui existe entre eux.

A l’époque de l’évolution économique du capitalisme où nous sommes parvenus, l’impérialisme, qui est comme l’a écrit Lénine, « la dernière étape du capitalisme », il apparaît clairement que cet opportunisme politique, grâce auquel la bourgeoisie dans la plupart des pays d’Europe, a pu échapper à la révolution prolétarienne, est impuissant à remédier aux conditions économiques présentes, qui rendent plus aiguë, dans toutes ses manifestations, la lutte des classes.

En vérité, la cause révolutionnaire s’hiternatioi. alise chaque jour davantage, et elle s’élargit aussi chaque jour davantage au fur et à mesure que tous les révolutionnaires mettent en concordance leurs révoltes, ou plutôt les identifient à la même cause : la révolution prolétarienne.

Ceux qui ne comprennent pas qu’une victoire des « rebelles » rifl’ains sur les troupes franco-espagnoles

ou sur les diplomates

d’Oudjda —est un événement révolutionnaire, au même titre que la grève des mineurs anglais, sont incapables de rien comprendre à la révolution. (Bien entendu je ne parle pas ici de la classe ouvrière dont le rôle historique en tant que classe révolutionnaire demeure entier, même lorsqu’elle n’a pas conscience de ce rôle historique, mais de cette partie des «idéologues bourgeois » pour reprendre cette expression de Marx, « parvenus à l’intelligence théorique de l’ensemble du mouvement révolutionnaire ».) Il est bien certain d’autre part, que les manifestations violentes de l’action de classe dans tel ou tel pays ont pu être rendues efficaces ou annihilées par une bonne ou une mauvaise tactique de combat de la fraction avancée et organisée du prolétariat. Les bolchevicks ont pris le pouvoir en 1917..., les communistes allemands ont laissé passer leur heure en octobre 1923. Mais, en définitive, le sort de la révolution mondiale ne s’est pas encore joué. Certes la révolution russe a donné à la classe ouvrière sa première organisation puissante de combat : un Etat prolétarien, une armée rouge. Mais il serait dérisoire pour des communistes de prétendre s’en tenir à ce. seul acquit et d’attendre duseul Etat soviétiste de nouvelles conquêtes révolutionnaires. 11 est trop évident, au contraire, que le sort même de l’U. R. S. S. (100millions de paysans pour 9 millions d’ouvriers environ) est étroitement lié à de nouvelles actions de masses du prolétariat dans les Etats capitalistes les plus évolués.

Il me_semble impossible d’analyser ici_dans l’ensemble des faits économiques, la Situation particulière de pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, la France, etc. ; ils peuvent être dans un temps plus ou moins long le théâtre d’événements ’révolutionnaires considérables tandis que les Etats-Unis, au contraire, semblent pour ce même temps préservés. Cependant, ce qu’il est permis de dire dans cet article, et cela sans qu’il me soit nécessaire d’apporter aucun commentaire, c’est que l’impérialisme, cette suprême construction capitaliste, s’édifie au profit d’un nouveau monde capitaliste, l’Amérique, tandis que passe au second plan l’Europe colonisée. Une telle situation replace les prolétariats européens

même

les plus embourgeoisés comme le prolétariat anglais, comme le prolétariat français — dans des conditions d’existence telles que la lutte des classes, voilée pendant plus d’un demisiècle d’opportunisme, reparaît brusquement, éclate à tous les yeux.

« Cettegrève est une menace fuite à la nation, la plus grande menace dont elle ait été l’objet depuis, la chute des Sluarl», écrivait hier (on.ai) Le Times, le grand journal conservateur anglais, à propos de la grève des mineurs. Et Le Westminster Gazette « De la grande dame richement vêtue et qui ne se déplace que dans son automobile de luxe, jusqu’à la petite dactylo, les femmes manifestent (dans les enrôlements volontaires), une ardeur comparable à celle dont elles ont fait preuve pendant la grande guerre. » 11n’est pas besoin de citer d’autres extraits de la presse britannique pour donner une idée de l’état d’esprit qui règne dans le camp bourgeois : c’est bien l’état d’esprit de la guerre. Aujourd’hui 1.500.000 mineurs ; demain, plus de 2 millions d’ouvriers des transports, de la métallurgie, etc., entreront en grève et nul ne peut dire ce qu’il peut advenir d’un tel mouvement de masses, bien qu’il ait été déclanché in extremispar l’organisation la plus réformiste et la moins révolutionnaire du mouvement ouvrier mondial : les trades-unions.