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CHRONIQUES

mondeoù tout cecise passen’est pas le vôtre. Il y a. entrequelques-unsquenoussommes,qu’ilsleveuillent ounon, le sentimentd’une aventure qui ne finit pas avec elle-même.Que connaît-ond’un homme ? On remarque de tel ou tel ses goûts, ses paroles,l’extérieur de sa façon de vivre. On dira que Philippe Soupaulta eu la nostalgiedu départ,qu’il a aimé les cafés,les airs américains.Je voisd’icil’articleSoupault du manuel.

Georgia,jene parleque pourmoi.Moiquicommepas un croit à la forcedesparoles. Voilàun livre qui m’a fait penser à leur faiblesse.Vousn’y êtes pas. Vous serieztrop content de m’entendrecritiquerdespoèmes. Sont-ceeux, était-ce la lourdeurdu climat 1 J’ai cru soudaintoucherla faiblessedesparoles.Celivre qui est pareil aux signes avant-coureursde l’orage. Quand chaquebrin d’herbea pris consciencedu ciel.Celivre qui m’est arrivéd’Italie. Et ce n’est pas en Italie qu’il est Soupault.Où est PhilippeSoupault? Bien malin qui peut le dire, et d’ailleursvous mentez. Voici le tempsdeshommesincompréhensible.

LouisARAGON.

CORRESPONDANCE

Lettre d’un inconnu à M. Louis Bertrand de l’Académie Française

Monsieur

J’ai lu dans Le Figaro du 15 avril, votre article intitulé : <•Allons-noustraiter avecAbd-el-Krim? » J’en transcris sans modificationscertainspassages: « On nous prometde /aire merveillesans risquer la peau d’un légionnairecl sans risquerun sou... « Là oà nous n’avonspas page le prix du sang, la dominationn’a aucunebasesolide... « iVoussommesles maîtresd’écolede la barbarie...» Je cesse les citations et renvoie le lecteur, pour édificationcomplèteà l’articleintégral. Quevous soyez,MonsieurLouisBertrand,de l’AcadémieFrançaise, je n’y voisnul inconvénient,et d’ailleurscelane me regardepas ; les bassesseset les compromissionssont de ce monde,commeon dit et l’on « fraye , n’est-cepas, avecqui l’on peut. 11est même fort probablequevossentimentssi nobleset si chrétiens sont partagés par les poètes, par les prélats, par les « psychologues» de votre illustre Compagnie...par tous ceux qui se sont, avec bienveillance,n penchés sur les angoisseshumaines».

Que la politique étrangèreégalementvous occupe et que vous raisonniezavec sang-froiddes principes qui nous autorisent en notre qualité de Français, à tuer, chez eux, des Marocains,et vousn’êtes pas différencié des bandits dont nous souhaitonslimiter les méfaits.

Maisque vous disposiezaussiélégammentde ce que vousnommezsi plaisammentla peau d’un légionnaire, alors je voudraissavoir de quels droits, en vertu de quel mandat, à la suite de quel miracle,voustrafiquez avec une semblableinsoucianced’une peau qui n’est point la vôtre ?

J’ai copiéles mots odieuxet de celaj’éprouveencore maintenant une gêneintolérable.

Causantde PEAU,instinctivementj’ai regardémes doigts, mes mains, mes bras, de près, de très près... j’ai lentementexaminétoutema peau—ce que probablement vous n’avez jamais fait de la vôtre — et alors...

La peau d’un légionnaire,MonsieurLouisBertrand, sur un mort, celadevient sale et cela devient noir; des poils drus poussentun peu partout, des poils de racines; le tatouage de l’homme se ratatine et les seins de Carmen ou de Flore s’épuisent lentement; un lier couteau se perd, amaigri,dans le petit coeur veiné; les pétales d’une margueritesentimentalese fanent,,1alettre, creusedu mot AMOUR,la lettre U disparaît dans un pli, et les phrasesbleuâtres,abandonnant leur objet, se dispersentétrangementdans le langagedes morts.

Peut-être,aujourd’hui,vaut-il mieuxne pas insister, vous laisserprovisoirementvotre peau de légionnaire et qu’elle fasse le délicede vos heuresperdues...que vous vous plaisiez,commel’on fait d’une peau féminine, à en suivre le contour, à suivrele contour de l’Infini...

Peut-être vaut-il mieux, même, et pour votre jeu intime, définitivementvous laisser votre peau de légionnaire

Vousl’abandonneravec ses yeux, avec ses dents, Avecles onglesdes dix doigtsde ses deux pieds, Avec ses testiculesvides.

Amuse-toibien.

XXX

Robert Desnos à Pierre Mille

CherMonsieur1.000.

11est bien tard pour vousécrire.Un article devous n’a pas grandretentissementet c’estvousfairebeaucoup d’honneurques’apercevoirdevotre existence. Vousavez publié,Monsieur100voiciune quinzaine un article dans l’OEuvreoù vous disiezn’avoir jamais trouvédans les oeuvresde Dumas pèreun sentimentou une expressionoriginal.Celasignifie,cherMonsieur10, (vousconnaissezla significationde ce chiffreen argot) quevousêtesun con.

Cecidit, veuillezagréer,cher M.0 et mêmedouble0 l’expressionde.la considérationtrès particulière que j’ai pour l’adresseaveclaquellevousmariezle contenu desmanuelsRoret avecun sens très vif du petit commerceet dela combine

FUMET ? NON : RELENT !

UncertainStanislas,quiparle de «sonBaudelaire» commes’il avait couchéavec,vient de découvrirque le marquisdeSadeestune auteur catholique.M.Stanislas Fumet, dontlenom est tout un programmeet qui doit nécessairementposséderdespieusaussicatholiquesque sonoeuvremériteraitcertainsoirderencontrerlefantôme du divin marquis. Si d’ailleurs ce fantôme se faisait attendre,et commecesmessieursdela calotteexagérent deplus en plus,je me feraisun plaisirdeme substituer à lui pour apprendreà M. StanislasRelent de quelle façonl’auteur catholique,que je suis aussi sansdoute, entendtraiter les sacristainset les grenouillesde bénitiers de toutes espèceset de toutes conditions.M.Stanislas Relentn’est pas seulementun crétin de la plus belleeau,c’est encoreun decespersonnagesrépugnants qu’unelonguemanipulationdes crucifixet des saintes huilesa invertidela tête aux pieds. 11conviendraun jour, encore que la mémoire des morts m’importepeu, d’apprendrebrutalementâ cette engeancecléricaleque ni Baudelaire,ni Rimbaud ni Sadeni beaucoupd’autresne sont les instrumentsde leurssalesbesogneset deleurslouchesagissements. L’ETRANGE CAS DE M. WALDEMAR

Edgard Poe a surveilléla décompositionmortuaire de M. Waldcmar,mais M. Waldemarvit encore.Il se signalepar sonhaleinefétide,son teint boueuxet crasseux, ses yeux miteux et sa voix qui rote commeun cercueilque l’on brise.A quoi bondécrirecette grande charognequi depuisquelquesannées,infectel’atmosphèredeParis.

11suffirad’avoir signalé à l’attention publique le grave danger que M. WaldemarGeorgefait courir à la santé pour que les gens évitent de le rencontrer,de le toucherd’être frôléspar lui, demarchersur son ombre ou d’avoirlesoreillessouilléespar sesparoles. Outre que ce personnageest à la foisun abcèset un pot de sanies,il représentela conneriela plus absolue et l’ordureintellectuellela pluspuante. RobertDESNOS.

’"-’m/ ; LouisARAGON. Imprimeriespécialede la RévolutionSurréaliste,42, rue Fontaine,Paris-9"