Page:La Revue blanche, Belgique, tome 3, 1891.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
209
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

n’estimera pas qu’on explique d’une façon satisfaisante le monde de Newton, celui de Laplace et de Pasteur, par le Dieu d’Aristote et de Platon. Pour une science nouvelle il voudra une métaphysique nouvelle : il cherchera l’heureuse formule qui sans amoindrir ou sans dénaturer les vérités scientifiques, conservera, des métaphysiques ou des religions ce qui en fait pour nous la vie et le charme ; qui alliera la réalité complexe et vivante à l’idéal de perfection que nous entrevoyons, tous au besoin de l’au-de là qui tourmente les meilleurs et les nobles. » Cette page n’était-elle pas entière à citer, formulant le programme infiniment suggestif d’un penseur laborieux et confiant, le rêve d’une âme, entre toutes les variétés d’âme contemporaine l’une des plus rares, des plus émouvantes, celle d’un savant désintéressé ?

Nos lecteurs s’associeront à nos regrets de la mort de notre collaborateur Pierre-René Hirsch. Hirsch avait vingt et un an. Musicien délicat, il se plaisait à convertir en vers plastiques les visions qui lui semblaient inaptes à la traduction musicale. Je ne prétends pas qu’il ait été grand musicien ou grand poète. D’abord il n’en a pas eu le loisir. Mais je veux louer, dans son exemple, la très juste méthode qui consiste à exprimer en un art ce qu’on sent qu’il peut exprimer, et rien autre. Les merveilleux Italiens en usaient ainsi, qui peignaient, sculptaient, édifiaient, savaient réaliser chacun de leurs rêves dans la forme qui convenait. Autant le « petit talent d’agrément » développé comme tel, à côté d’un autre art, est insupportable, superfétatif et niais, autant est honorable le culte simultané de plusieurs formes d’art, pour les nécessités de traduire avec justesse des sensations d’ordre différent.

Une autre mort a mis en deuil les Lettres. L’auteur de l’Agonie et de Byzance, Jean Lombard est mort « dans une inexprimable misère, sans laisser à la maison de quoi acheter un cercueil ». Ceci n’est pas pour étonner, et l’indignation de M. Octave Mirbeau serait presque naïve si elle n’était d’une si noble sincérité. Il n’est pas admirable