Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/253

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— Le deux avril, le jour je crois de la sortie de Flourens. Le Mot d’ordre que je rédigeais avait été supprimé par Ladmirault, cette vieille brute infecte…

— Je passe les épithètes ?

— Mais non, mais non, Ladmirault était une ignoble brute, d’ailleurs toutes les culottes de peau… J’ai passé outre à l’interdiction. Le gouvernement avait filé à Versailles. J’ai soutenu énergiquement les droits de Paris. J’ai dit le rôle odieux de Thiers et ses mensonges abominables. Toutes mes sympathies allaient naturellement au mouvement de la Commune qui était à la fois socialiste et patriotique. La Commune était une protestation contre la paix de Bordeaux, une protestation contre la majorité cléricale et réactionnaire qui nous déshonorait, une protestation contre les abus de pouvoir d’une assemblée qui, nommée pour traiter de la paix s’était déclarée constituante, sans mandat. Mais la Commune devenue autoritaire se mit à supprimer les journaux qui n’étaient pas à sa dévotion. — Raoul Rigault, Félix Pyat supprimaient les journaux, Félix Pyat les supprimait surtout au profit du sien. Je combattais pour la liberté et le bon sens comme j’ai fait toute ma vie. Raoul Rigault supprima le Mot d’ordre. Le prétexte fut ma protestation contre le décret des otages ou plutôt son exécution. On suivait l’exemple donné par les généraux africains qui avaient fait des otages là-bas, au nom du gouvernement et les massacraient. Ceux qui avaient applaudi aux massacres et aux razzias d’Afrique trouvaient odieuse la conduite de la Commune. Je la trouvais naturelle mais je ne voulais pas qu’on exécutât le décret. Ce fut cet article qui me valut plus tard, d’être par les Versaillais traduit en Conseil de guerre. Idiot ! Idiot ! Toujours les militaires ! Tous ignares. Savez-vous ce qu’on me reprochait, c’est que dans la manchette le mot otages eût été typographié en grosses lettres. C’est idiot… Enfin j’approuvais le décret et je protestais contre son exécution. Raoul Rigaut voulut me faire arrêter. J’en fus prévenu par un jeune homme, secrétaire de Rigault je crois..

— Forain ?

— Non, pas Forain, un membre de la police de la Commune. Je partis. Je fus arrêté à Meaux le 21.

— Y avait-il contre vous un ordre des Versaillais ?

— Mais non, de Raoul Rigault. C’était un homme excellent, tout à fait intelligent. Très bien. Mais il était pour la lutte à outrance. Il savait ce que feraient les Versaillais. Il avait bien raison. Il ne tenait compte de rien. Pas de quartier ! Il avait été à mon journal, mais c’était un homme qui aurait fusillé son meilleur ami. J’aurais été pris par la Commune j’étais sûr de mon affaire. Mais à Meaux j’ai été pris par des Versaillais. Le commandant de la subdivision allemande voulait me laisser partir ; je suis resté en prison malgré les Prussiens… Au Conseil de guerre ces brutes ne m’en ont tenu aucun compte. J’ai été sur le point d’être fusillé : Il s’en est fallu de