Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/368

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aux assises révolutionnaires, où siégeaient, comme jurés, des délégués élus des bataillons fédérés. Ces assises ont eu à juger surtout, ou plutôt à déclarer ou non otages, des sergents de ville, des prêtres, des gardes municipaux et des particuliers tels que Jecker,
RAOUL RIGAULT
l’homme du Mexique. Déclarés otages, ils devaient suivant le décret être fusillés. En fait, le décret n’a pas été appliqué tel qu’il avait été rendu. (Trois otages devaient être fusillés pour chaque prisonnier fédéré fusillé aux avant-postes.)

Cependant dans la semaine sanglante, plusieurs des otages furent fusillés à la Roquette et à la rue Haxo. Ils étaient détenus soit à Mazas soit à la Roquette. Le 25 mai, la place de la Bastille d’une part et le pont d’Austerlitz d’autre part, étaient attaqués par les Versaillais : Mazas se trouvait menacé. Je reçus, signé de Ferré, l’ordre de la Commune, alors réfugiée à la mairie du xie de me transporter à Mazas pour opérer le transfert des otages de Mazas à la Roquette. Ce transfert se fit dans des voitures réquisitionnées par moi à la Compagnie de Lyon. (Ce sont les reçus qui plus tard motivèrent ma condamnation.) En traversant le faubourg Saint-Antoine, les voitures furent attaquées, et, malgré l’escorte, la foule, composée surtout de femmes, voulut les lyncher.

Nous eûmes toutes les peines du monde à parvenir jusqu’à la Roquette, Mon rôle finit là. Le lendemain furent exécutés à cet endroit ; l’archevêque Darboy, Deguerry, plusieurs prêtres, et Jecker. Cette foule, il ne faudrait pas se hâter de l’accuser de lâcheté. Elle était, si l’on peut dire, en cas de légitime exaspération. Il faut avoir vécu ces événements pour se rendre compte des états d’âme de chacun. Cette foule, elle venait, au même endroit, malgré Delescluze et Eudes, de fusiller le comte de Beaufort, qu’elle accusait de l’avoir trompée sur le sort d’une si grande quantité des morts sacrifiés à Neuilly.

Je vous ai dit que j’ai réussi à sauver mon convoi.

— Pourtant cet ordre de Ferré, dont vous prévoyiez les conséquences, vous l’exécutiez sans hésitation ?

— Parfaitement. Que voulez-vous. C’est la tourmente révolutionnaire. C’est la lutte, l’exaspération légitime. Ces femmes n’étaient pas plus des mégères que je n’étais un bandit.

— Et les autres otages ?

— Ont été transférés, par les soins du président de la Cour martiale, de la Roquette à la rue Haxo, quand le Père Lachaise a été menacé ; rue Haxo, ils ont été fusillés au nombre de quarante, a-t-on dit. C’était surtout des agents secrets, des gardes municipaux ; les gardes municipaux en petite tenue ; la plupart avaient